Chevaleresque. Voilà bien un adjectif qu’il n’aimait pas associer à sa personnalité. Car qui dit chevalier, dit princesse. Qui dit princesse, dit amour toujours et conte de fée. Hors, si l’histoire lui avait bien apprit quelque chose, c’était que même si Arthur offrait son cœur à Guenièvre, elle préférait le piétiner et s’enfuir avec le beau Lancelot. Il ne l’inventait pas, c’était un fait historique, connu de tous. Et puis au pire, on pouvait toujours prendre l’exemple le plus banale de l’histoire collective. Marie, Joseph et Gabriel ! Après tout, bien loin des esprits naïfs qui pensaient que Marie était tombée en cloque par le mystère impénétrable du Seigneur, Nolan lui avait une toute autre opinion ! La Marie sainte vierge, elle s’était juste trouvé un homme au coin d’une rue et son affaire était faite. Pour sauver les apparences, elle avait versé un hallucinogène dans l’outre de son mari et voilà, il voyait un ange et bénissait son cocufiage.

Enfin bref, il s’éloignait du sujet. Le sujet, c’était qu’il avait vu dans les yeux de Shena qu’elle savait qu’il s’était montré sous un autre jour. Gentleman. Il s’était occupée d’elle, avait prit soin de la jeune femme sans jamais tenter de profiter de la situation. Il avait beau avoir une réputation de Donjuan, Nolan ne touchait pas une femme qui ne le désirait pas vraiment. Déjà parce qu’il n’était pas un violeur (si on prenait les cas extrême) et ensuite, parce qu’il ne voyait pas les femmes comme des objets de plaisir. Malgré le fait qu’il les croyait toutes assez perfides pour détruire le cœur d’un honnête homme, il avait assez de respect pour les traiter humainement. Rien ne l’empêchait d’avoir des relations amicales avec elles du moment qu’il ne laissait jamais aucune d’elle s’approcher de son cœur. Voilà pourquoi, ce soir, il ne devait pas laisser Shena en découvrir plus sur lui. Ou tout du moins sur ce qu’il était en dehors de ce qu’il avait pour habitude de laisser voir. Sa façade. Rien de plus, rien de moins.

Tout à ses pensées, Nolan n’avait même pas remarqué qu’il s’était préparé comme un adolescent se rendant à un bal scolaire. Loin de s’être rasé pour autant, il était passé sous la douche pour évacuer les traces de son jogging salutaire. Se vider la tête au son du martèlement de ses pieds sur le béton était le meilleur relaxant pour lui. Comme un verre pour un alcoolique, ses chaussures de course avait le don d’immédiatement calmer ses nerfs. Et après la journée qu’il venait de passer, ce n’était pas du luxe. Un coup de téléphone et voilà que son ancienne vie venait le hanter.
Un essuie autour de la taille, il traversa l’appartement sans même prendre la peine de vérifier s’il était seul. Après tout, c’était une habitude pour lui de se promener en petite tenue. D’ailleurs, ça faisait partie de ses affiches de recherche d’un colocataire, quitte à ce que quelqu’un vive avec lui, il lui fallait quelqu’un sui supporte la vue de sa presque nudité constante.

Il vérifia l’écran de son téléphone et sourit en ne voyant aucun message de la part de Shena. Très bien, elle n’avait pas encore prit peur et n’avait pas annulé le restaurant « entre amis » qu’elle désirait lui offrir pour le remercier de cette soirée où… Où il s’était montré chevaleresque… Mais il n’allait pas revenir sur ce point. D’ailleurs, même si c’était elle qui l’avait invité, il n’avait pas l’intention de se laisser sagement guider. Elle lui avait demandé une sortie hors de la vie ? Très bien, il allait la lui offrir, mais à ses conditions.
Un repas entre amis, il adorait ça. Shena en tant qu’amie, à la limite, même s’il n’y croyait pas vraiment. Après tout cette jolie blonde au caractère bien trempé ne le laissait pas indifférent. Et malgré toutes ses tentatives d’approches, elle lui avait clairement fait comprendre qu’il n’avait aucune chance. Ce qu’il ignorait en revanche, c’était la raison qui la poussait à ne pas vouloir le connaître avant même de vouloir le rejeter. Peut-être en apprendrait-il un peu plus ce soir ?

Moins d’une demi-heure plus tard, il était prêt. Sa moto était chargée de tout ce dont il aurait besoin, il ne lui restait plus qu’à passer un coup de téléphone avant de partir. Vérifier que ses amis avaient pu lui faire la réservation et ensuite attendre la jeune femme à la marina. Satisfait, il pu quitter les lieux en vitesse.

Arrivé à destination, il se débarrassa de sa veste en cuir, il faisait encore assez bon pour rester avec sa simple chemise noire et son jeans sombre. Un style simple mais un peu plus habillé qu’à l’habitude. Il voulait faire cet effort pour sa sortie entre amis avec Shena. Même s’il ne savait pas à quoi s’attendre.
Appuyé à sa moto, il gardait les bras croisé, réfléchissant à l’organisation de leur soirée, il esperait que Shena lui ferait assez confiance pour le suivre dans son plan…

I saw a lion kiss a deer

C'était un bête restaurant entre amis, quelque chose pour lequel un jean et un simple tee shirt large aurait plus que fait l'affaire. Alors pourquoi est-ce que j'étais apprêtée comme si j'allais à un rendez vous galant?
J'avais essayée de me convaincre que de mettre une robe ne changerait rien par rapport à d'habitude vu que je ne mettais quasiment jamais de pantalons. Mes robes habituelles étaient mignonnes et un brin rétro - je trouvais que ce style m'allait - mais jamais sophistiquées. Mon maquillage et ma coiffure non plus d'ailleurs. Je poussais un soupir devant le miroir. Pourquoi est-ce que j'essayais de me rendre le plus appétissante possible avant de me jeter dans la gueule du loup? Je devais être un brin maso.
Déjà quelle bête m'avait piquée pour que j'invite Nolan au restaurant? Et pourquoi est-ce-que je l'avais relancé? Il suffisait que je ne le vois pas pendant une semaine - ce qui m'avait paru bizarre puisqu'il venait régulièrement manger au Raven & Fox - pour que je me jette dans ses bras? D'accord j'avais découvert un Nolan différent du séducteur toujours léger et cela m'avait plût, énormément. Peut être que le fait que Neill me rabâche les oreilles avec ses "tu devrais laisser sa chance à mon frère, c'est vraiment un homme bien" commençait à porter ses fruits. Ou peut-être que j'en avais marre de lutter contre moi même et que je souhaitais juste redevenir une fille légère. Une qui sortait avec un garçon sans craindre de tomber amoureuse de lui et de se faire jeter comme une vieille chaussette. Une qui ne se faisait pas harceler par son patron. Une qui ne s'amusait qu'en présence de très peu de personnes. La liste de ces personnes me faisait peur puisqu'elle ne contenait que 6 noms, celui de Max, de mes colocs et de ma meilleure amie.
Une soirée avec Nolan ne pouvait pas me faire tant de mal, si? Ce n'était pas en une seule petite soirée que j'allais lui offrir mon cœur pour qu'il s'amuse a le broyer par la suite. Peut être même que l'idée d'être mon ami lui allait.

Je vérifiais une derrière fois mon look dans la glace avant de me diriger vers le salon. Je portais une petite robe d'un bleu tellement profond qu'il en paraissait noir. Le devant de cette robe était très sage, un petit décolleté rien de plus. Le dos, par contre, avait  une ouverture en forme de cœur qui dénudait presque entièrement mon dos. Elle était un peu bouffante et s'arrêtait en dessous du genou, me conférant un air de petite poupée des années soixante. J'avais marquée ma taille avec une ceinture de satin rouge qui rehaussait un peu la tenue. J'avais cousue cette robe moi même et en était assez fière. Je m'étais maquillée avec soin ourlant mes lèvres de rouges. J'avais aussi remontée mes cheveux en un chignon décoiffé dont s'échappait quelques mèches qui entouraient mon visage. Mes escarpins étaient de la même couleur que ma robe c'était d'ailleurs eux qui m'avait inspirés. J'étais décidément bien trop apprêtée. J'allais si peu au restaurant que j'avais ressenti le besoin de me faire belle, ce que je regrettais maintenant mais je n'avais plus le temps pour me changer au risque d'arriver en retard.
Je laissais un mot à mes colocs pour les prévenir que je sortais et ne savait pas à quelle heure je rentrerais ce soir. Je ne leur avait pas parlé du restaurant avant, j'aurais du leur expliquer pourquoi je m'y rendais. Je ne leur avait même pas dit que j'avais passée la nuit chez Nolan, prétextant que j'avais trop bu avec Max et avait préféré dormir chez lui plutôt que de reprendre le bilan. Seul Max était au courant de tout, du comportement de Richard et de mon réveil chez Nolan.

J'attrapais une étole pour me couvrir les épaules avant d'hésiter un instant. Est-ce que je me rendais à la marina à pied ou en voiture? Nolan ne l'avait pas précisé et à bien y réfléchir je ne l'avais jamais vu se déplacer avec autre chose que son vélo de postier. J'attrapais les clefs de ma mini et décidait prendre ma new Beatles décapotable –  cadeau de mon père, je savais que si je refusais sa voiture il était capable de m'acheter un local pour ma boutique, aussi j'avais choisi d'accepter; d'autant que c'était assez pratique de disposer d'un véhicule. Je n'aurais qu'à la laisser garer à la marina si jamais il avait prit sa voiture. Et puis ça lui éviterait de me raccompagner et de se faire apercevoir par les filles.

Le trajet bien que court fut assez pénible. Je ne pouvais m'empêcher de me dire que j'allais être ridicule habillée comme ça. Je garais, et poussais un énième soupir pour me donner du courage.
Lorsque j'aperçus Nolan mon cœur manqua un battement, certes il n'était pas aussi habillé que moi mais la chemise lui allait à merveille.  
C'est une soirée entre amis Shena, une simple soirée entre amis et on ne trouve pas ses amis sexy.
« Bonsoir » lançais-je à Nolan d'une voix moins assurée que je l'aurais voulue. J'étais même sûre que mon sourire avait été timide. Ça commençait bien, il allait vite falloir que j'érige des barrières autour de mon cœur avant de le voir fondre comme de la neige au soleil. « C'est un Don Juan Shena, il va te faire souffrir si tu t'attaches! » Voilà ce que je me répétais en boucle comme un mantra.

Nolan regardait les bateaux amarrés aux quais qui  suivaient le mouvement des vagues.  C’était calme à cette heure de la soirée et seules les lumières de la ville venaient troubler la surface de l’eau.  Telles des milliers de petits éclats argentés dansant sur les vagues. C’était un décor magique pour qui prenait le temps de le regarder. Et puisque Nolan avait le temps pour ça, il profitait de la vue.  Et quelle vue… Elle venait à peine d’arriver et déjà il en avait le souffle coupé. Elle était divine de la tête aux pieds. À côté d’elle, il ressemblait à un clochard dans ses vêtements relax. Il aurait sans doute du se raser d’ailleurs ! Elle était si belle.

Décroisant les bras, il se redressa et la laissa le rejoindre tandis qu’il ne se gênait pas pour la détailler à son aise. La première chose qu’il remarqua, ce fut la robe. Taillée aux bons endroits, elle était d’un style assez sage, même si elle laissait deviner les courbes de sa poitrine et de son buste par-dessous. Le jupon quant à lui avait la longueur idéale pour laisser voir cette paire de jolies jambes qu’il affectionnait tant. Au restaurant, il pouvait rester des heures à regarder Shena marcher. Sa démarche légèrement chaloupée lui était propre et offrait un spectacle de roulement de hanches tout à fait fascinant. Et tout cela sans jamais parler de ses fesses ! Car oui, Nolan avait beau adorer la regarder évoluer dans le restaurant, il était rare qu’il fasse partie de ces pervers qui ne désirait qu’une chose, la voir se pencher. Non, elle avait de très belles fesses, pourtant ce n’était pas encore ce qu’il préférait chez elle… Son regard remonta alors avec une extrême lenteur jusqu’à son visage et marqua un arrêt en découvrant sa bouche. Était-ce la première fois qu’elle portait un rouge si vif ? Il l’ignorait mais bon sang, beaucoup d’idées lui venait quand à la manière de leur rendre honneur.

Il dut s’arracher à sa contemplation en l’entendant le saluer. « Bonsoir milady ! » Pas même gêné d’avoir été si peu discret, il lui attrapa la main avec douceur et la fit tourner en sifflant d’un air enthousiaste. Il avait trouvé la robe sage ? Et bien il s’était trompé. Le dos valait largement le coup de patienter pour le découvrir. Elle le mettait au supplice en découvrant sa peau. « Mon dieu Shena, tu es… » Le mot torride lui vint à l’esprit mais pour le coup, il voulait quelque chose de plus classe. Oui elle était bien plus que torride. « Tu es superbe… » Il sourit avant d’ajouter : « Et cette robe est une pure merveille… » Passant sa main libre dans son dos, il suivit la ligne de sa colonne vertébrale d’un effleurement léger. « C’est cette partie que je préfère, même si ton étole a bien failli me la faire rater… »

Tactile lui ? Peut-être un peu. Jamais il ne dépasserait les limites de la bienséance mais toujours il serait sur la corde raide avec Shena. Après tout, elle lui plaisait et les messages qu’elle lui envoyait étaient contradictoire. Comme à l’instant où, elle lui proposait un repas entre amis et arrivait habillée de manière à éclipser toutes les femmes aux alentours. Mais peu importe, il n’avait pas envie de réfléchir et savait que si elle voulait lui taper sur les doigts, elle le ferait.

« Bon par contre, étant donné qu’on ne reste pas dans cette ville, est ce qu’il y a des choses que tu veux récupérer dans ta voiture avant qu’on ne parte ? »

Prendre les commandes de la soirée ? Check ! Emmener Shena là où il avait prévu ? A voir, il n’était pas certain qu’elle se laisserait emmener comme ça, sans même savoir ce qu’il  avait prévu. Mais ce n’était pas grave, si c’était juste une question de confiance, il trouverait de quoi la persuader… Après tout, il n’était pas près à la laisser filer et serait incapable de bien se tenir s’ils se rendaient dans un autre restaurant que celui qu’il avait prévu… Pour une fois, il voulait Shena pour lui tout seul !

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Le regard que posa Nolan sur moi m’ôtât instantanément tous les doutes qui m’habitaient. Peut être que j’étais trop habillée, certes, mais je n’étais visiblement pas si ridicule que ça dans cette tenue à en juger par son regard appréciateur. Voilà bien une des choses qui me faisait fondre chez lui, sa façon de me regarder. On était loin des regards lubriques que je subissais parfois au restaurant, sa façon de faire était toujours très correcte, il ne reluquait pas ma poitrine ou mes fesses avec insistance comme si il espérait qu’en le fixant assez longtemps le tissus se mette à disparaître. La façon dont il me détailla lorsque j’arrivais fit s’accélérer les battements de mon cœur. Il me contemplait, comme on regarde un tableau qui nous plait ou une friandise que l’on rêve de dévorée.
Je lui rendis la pareille en le détaillant à mon tour des yeux, même si je m’assurais d’être plus discrète que lui. La chose que je préférais chez lui était sans contexte ses yeux, pétillants continuellement de malice. Nolan avait toujours l’air prêt à faire une bêtise et je crois pouvoir dire que, comme la plupart des femmes, ce côté bad boy m’attirait particulièrement. Ses cheveux donnaient toujours l’impression qu’il sortait du lit, ce qui pouvait vraiment passer pour une invitation à la luxure. Que dire de sa barbe façon « je ne me suis pas rasé depuis deux jours » ? Je me demandais si il la tondait, sinon comment aurait-elle put être constamment à la même longueur ? Elle lui conférait un faux aspect négligé, je le soupçonnais de prendre bien plus soin de son look qu’il ne le montrait.

Je fis une petite révérence, soulevant les côtés de ma robe comme dans les films en réponse à son salut. Milady, il n’y avait bien que lui pour m’appeler comme ça.
Il me fit tournoyer sur moi même pour mieux se rendre compte de ma tenue. Je ne pus retenir mon rire, j’avais l’impression d’avoir cinq ans à nouveau et de montrer à mon père comme je m’étais bien habillée toute seule. Sauf que, dieu soit loué, mon père ne m’avait jamais regardé comme Nolan le faisait.
« Mon dieu Shena, tu es… » J’haussais un sourcil, l’invitant à poursuivre sa phrase. Qu’étais-je donc ? Bien trop habillée pour ce qu’il comptait faire ce soir, si j’en jugeais par son moyen de locomotion contre lequel il était négligemment appuyé quelques secondes plus tôt.  Une moto, j’aurais dû m’en douter. Tous les bad boy sexy se déplaçaient forcément en moto. Et Nolan excellait dans ce rôle, dans une autre vie il avait dû être pirate. Mais pas un simple pirate, non, le Prince des pirates. Respecté et craint de tous, faisant fantasmer en secret la gente féminine.
« Tu es superbe… » Le sourire qui lui répondit devait être radieux.
« Et cette robe est une pure merveille… » Ajoutât-t-il. Complimenter mes tenues étaient toujours une bonne idée, puisque la plupart du temps elles étaient mes créations. « Elle te plait ? » Lui demandais-je tout en lissant le bas de ma tenue « C’est moi qui l’ai cousue. » Ajoutais-je timidement. Peu de personnes savaient que je cousais, ce passe temps pouvait paraitre dessuait à notre époque. A part mes amis et quelques rares autres personnes, personne n’avait jamais entendu non plus parler de mon rêve d’ouvrir une boutique vintage.

La main qu’il passa dans mon dos me fit frissonner et m’ôtât toute pensée cohérente de l’esprit. Je ne répondis pas à sa phrase affirmant que c’était le dos de ma robe qu’il préférait, je n’en étais pas capable. Je restais là, mon regard planté dans le sien, à me mordiller la lèvre. J’aurais dû le réprimander, mon silence allait l’encourager à recommencer à l’avenir, mais je n’en avais pas la force. Nolan me plaisait, vraiment, et je commençais seulement à me rendre compte à quel point c’était vrai. Ce seul contact suffisait à me chambouler.

« Bon par contre, étant donné qu’on ne reste pas dans cette ville, est ce qu’il y a des choses que tu veux récupérer dans ta voiture avant qu’on ne parte ? » Mon cerveau se remit subitement à fonctionner, ce qui était préférable.
Je dévisageais quelques instant sa moto avant de répondre. « Tu as un casque supplémentaire ? Parce que déjà que je doute que ma tenue soit très adaptée pour chevaucher cet engin, je refuse de montée dessus sans le minimum de protection possible. » J’étais résolu à ne pas monter dessus sans un casque, mais si il en avait un, alors je le ferais avec plaisir. Monter sur une moto sans pantalon et en talons pouvait être particulièrement idiot, en cas d’accident je risquais de finir écorchée vive. Mais bizarrement ce qui m’inquiétait le plus c’était qu’il fallait que je cale ma robe de façon à ce qu’on ne voit pas ma culotte pendant tout le trajet.
« Sinon j’ai tout ce qu’il me faut là dedans. » Dis-je en désignant ma pochette. Tant que j’avais mon téléphone, ma carte bleue et mes papiers c’était bon, le reste n’était que superficiel.

« Alors, quel est le programme de la soirée, capitaine ? » Demandais-je en plantant mon regard dans le sien. Je ne savais pas ce qu’il avait prévu mais j’étais prête à le suivre. Je n’étais pas ce genre de fille qu’on effraye facilement.

C’était elle qui l’avait créée ? Décidément cette femme avait bien des talents cachés. Il n’était pas très calé en matière de mode mais en tant qu’homme, il pouvait apprécier une belle silhouette bien mise en valeur. La couleur du tissu était difficilement identifiable à première vue, il aurait dit noir mais à la lumière, il lui semblait y voir des reflets bleu nuit. Soulignée par une ceinture rouge assortie à ses lèvres, la tenue était minutieusement réfléchie, il n’en doutait pas une seconde.

La question qu’il se posait en revanche, c’était si Shena prenait toujours grands soin de s’habiller si bien lorsqu’elle se rendait dans un restaurant avec ses amis ou si elle avait choisit cette robe tout particulièrement pour l’occasion. Et dans ce cas, quelle était la motivation de la belle demoiselle ?
Il aurait bien évidemment pu lui poser ces questions, mais le but n’était pas de la braquer. Après tout, même s’il essayait de se comporter au mieux, avec elle, il ne pouvait s’empêcher de chercher à la séduire. Et le fait qu’elle reste détendue à côté de lui était préférable pour que tout deux passe une belle soirée. De cette manière, elle pourrait continuer à le repousser gentiment et lui n’aurait pas à se demander ce qu’il adviendrait si elle l’acceptait. Et tout resterait dans le meilleur des mondes !

En voyant le regard qu’elle posa sur sa bécane, Nolan ne put retenir le sourire en biais qui venais d’apparaître. Il pouvait presque deviner tout ce que cet engin devait représenter pour Shena à ce moment précis. Après tout, n’était-elle pas venue dans une tenue superbe ? Et voilà que ce gars terrible voulait l’emmener en balade ?

Pourtant, elle n’était pas contre s’il avait un casque. Dans un éclat de rire joyeux, il souleva le siège pour lui laisser voir le deuxième casque qui y était toujours rangé. Rien qu’en posant les yeux dessus, on pouvait voir qu’il n’était pas neuf, cependant il était clair qu’il n’avait jamais servi. Nolan utilisait toujours le sien, un noir dont la visière sombre cachait son visage aux yeux de tous. Celui qui se trouvait là était lui aussi noir mais avec des frises fines dorées qui reliaient les bords de la visière, noire elle aussi, à l’arrière de la nuque. Il était clair que ce casque était plus féminin que le premier avec ses motifs délicats. Pourtant, Nolan n’avait jamais emmené une seule de ses conquêtes. Aucune n’avait pu espérer grimper à l’arrière de son siège. Pourquoi ? C’était très simple, le siège qui s’y trouvait était celui qui avait appartenu à son père. Lorsqu’il était adolescent, Nolan l’avait récupéré sur la moto de son père et s’était juré qu’un jour, lorsqu’il pourrait s’offrir le bolide de ses rêves, il y intégrerait cette pièce. Et petit à petit, la place s’était avérée réservée aux personnes réellement importantes pour le jeune homme. Et effectivement, peu de gens pouvaient se venter d’avoir posé les fesses sur cette place. Sur l’autre moto, pas de problème, mais celle-ci…
Il referma le coffre sous le siège et sourit à la jeune femme.

« Même si j’adore t’imaginer t’accrocher à moi dans cette tenue… » Et dieu sait qu’il disait vrai à cet instant. Il avait des images et même des sensations, de la jeune femme devant lui passer les bras autour de la taille, ses cuisses serrées contre lui et son buste plaqué contre son dos. La sensation de chaleur se propageant entre leur deux corps tandis que le vent frais leur fouetterait le corps sous le coup de la vitesse. Un doux mélange qu’il rêverait d’expérimenter en sa compagnie. « Ce n’est pas ce que j’ai prévu pour toi, ce soir ! » Il rit et attrapa le sac de sport qu’il avait attaché sur le côté de sa moto et le passa sur son épaule.

« Capitaine ? Tu ne crois pas si bien dire… Allez viens belle sirène, que je te montre notre embarcation ! »

D’un signe, il lui indiqua le chemin tandis qu’il se mettait en route, sans pour autant mettre de distance entre eux. Il savait qu’elle portait des talons, qu’elle ne pouvait donc pas marcher aussi vite que lui. Et puis, il n’était pas pressé, ce soir c’était leur soirée. Et il comptait en profiter.

Il leur fit traverser la marina avant de s’arrêter face à un bateau vedette d’une dizaine de mètres dont la planche était illuminée d’un chemin de bougies. Plissant les yeux, le jeune homme se dit que ses amis en avait mis la dose pour el coup et il espérait vraiment que Shena ne prendrait pas peur car ça pouvait presque ressembler à une entrée romantique vers un bateau muni d’une cabine chambre. Il leva les yeux au ciel et ne fit aucun commentaire sur ce détail même si intérieurement, il savait déjà qu’il y avait des personnes qui allaient rencontrer le pied de Nolan. Il espérait vraiment que pour le reste, ses amis ne s’étaient plus permis d’improvisation romantique.

« Après toi… » Une petite inclinaison en lui cédant le passage et tous deux purent entendre des cliquetis provenant du sac qu’il portait. Cette fois un sourire amusé se dessina sur ses lèvres tandis qu’il haussait un sourcil comme pour la mettre au défi de le suivre.

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Le rire de Nolan retentit, tandis qu’il soulevait le siège arrière de sa moto pour me montrer le casque supplémentaire qui s’y trouvait. Je trouvais que le rire lui allait bien. Son visage devenait subitement plus lumineux, il paraissait plus jeune aussi. Son rire, quant à lui, était grave et chaleureux, sensuel même.
Je détaillais le casque qu’il me montrait. Noir et doré celui-ci semblait n’avoir jamais été utilisé. Aucune rayure ne se trouvait dessus et je pouvais même distinguer un film de protection sur la visière. Mais dans ce cas pouvoir avoir un casque, si ce n’était pas pour s’en servir ? D’autant plus que celui-ci était incontestablement féminin. Nolan devait juste être plus que soigneux et ses conquêtes n’avaient jamais osée retirer la protection, voilà tout. Je me demandais combien de filles il avait emmener sur sa moto avant de chasser cette idée de ma tête. Je ne voulais pas connaître la réponse et puis ce n’était pas le genre de question que se posait une amie. Or c’était ce que je voulais être pour lui, une amie et rien d’autre, n’est-ce-pas ?

Pour penser à autre chose, je me demandais une nouvelle fois comment j’allais empêcher ma robe de s’envoler – tout en regrettant de ne pas avoir mis un jean plutôt – quand Nolan referma le siège sans me donner le casque qui s’y trouvait. Je relevais la tête vers lui perdue.
« Même si j’adore t’imaginer t’accrocher à moi dans cette tenue… » Je roulais des yeux, c’était bien du Nolan tout craché ça. Tout en fanfaronnade.
« Ce n’est pas ce que j’ai prévu pour toi, ce soir ! » Tiens et bien voilà qui piquait au vif ma curiosité. Pas de balade en moto ? Comment allions nous quitter la ville si on ne prenait pas non plus ma voiture ?
« Dans ce cas, si jamais tu décide de prévoir un jour de m’emmener faire une balade en moto, fais moi plaisir et préviens moi avant. Tu veux bien ? Que je mette une tenue plus adaptée. » J’avais justement le pantalon idéal pour ça, en similicuir, il collerait parfaitement avec le style motard. Et puis ça me donnerait l’occasion de pouvoir enfin mettre cette pièce que j’avais achetée sur un coup de tête et n’avait jamais portée.

« Capitaine ? Tu ne crois pas si bien dire… Allez viens belle sirène, que je te montre notre embarcation ! »
Un bateau ? Nous allions monter sur un bateau ? J’étais partagée entre l’excitation et l’envie de prendre mes jambes à mon cou. Je le suivis tandis que j’essayais de débattre intérieurement de ce que je ressentais réellement.
Arrivée devant l’embarcation je fus encore plus perdue qu’auparavant. Il était superbement décoré dans une ambiance très romantique. Bien bien, cela ne ressemblait absolument pas à une soirée entre amis ça. Un regard à Nolan m’appris qu’il semblait aussi surpris que moi de la décoration, ce n’était visiblement pas son idée donc. Peut être que ce n’était pas son bateau non plus.
En tout cas j’avais visée juste en me disant qu’il avait dû être un pirate dans une autre vie. J’imaginais Nolan avec un cache œil en train de chanter « Du rhum, des femmes et d’la bière nom de Dieu ! ». Ça pouvait parfaitement coller me dis-je tout en retenant  le sourire que provoquais cette vision.

« Après toi… » Il se décala pour me laisser passer tandis que je restais résolument à ma place les bras croisés sous ma poitrine.
« Rassure moi, ce bateau reste amarré ? » Je refusais de monter dessus si ce n’était pas le cas. Il serait facile de partir si la soirée se passait mal et que nous restions au port. Dans le cas contraire, je devrais me jeter à l’eau ce qui franchement ne m’emballait pas tellement comme idée. Déjà parce que j’aurais le choix entre abandonner mon téléphone – et j’étais réellement impossible de m’en passer – ou le condamner à une mort certaine. Ensuite parce que ma robe n’allait très certainement pas apprécier ce traitement non plus, d’autant plus qu’elle devait se gonfler et se gorger d’eau rendant la nage compliquée. En prime la température de la mer d’Irlande n’était pas assez élevée pour moi. Et ne parlons même pas de la possibilité que je décide de me jeter à l’eau alors que les côtes seraient assez loin. Non décidemment je n’étais pas emballée par l’idée de prendre le large.
Et puis bon sang, qu’est ce que contenait ce sac ? Le bruit qu’il venait de faire n’était pas vraiment rassurant.

Je pris une grande inspiration avant de prendre la parole. « Ce n’est pas ici qu’on doit manger, si ? Sinon comment je fais pour te payer le restaurant que je te dois ? »

Poussant du bout du pied la première bougie qui se trouvait sur le ponton qui menait au bateau, il la fit tomber dans l’eau de la marina. Un petit crissement se fit entendre lorsque l’eau atteignit la flamme et l’éteignit avant d’avaler la bougie et l’emmener vers le fond. Nolan l’observa quelques secondes tandis que des bulles remontaient à la surfaces sans un bruit. Il n’aimait pas que ses amis s’immiscent dans sa vie personnelle. Bon, c’était lui qui leur avait demandé de préparer le bateau puisqu’il n’avait pas le temps. Mais à aucun moment il n’avait parlé de soirée romantique. Il ne parlait d’ailleurs jamais de ce genre de soirée. Ce n’était plus son genre. Il y avait d’autres moyens pour un homme de  passer une soirée en compagnie d’une demoiselle sans la transformer en princesse. D’ailleurs Shena avait parlé d’une soirée entre amis, il lui semblait pourtant le leur avoir dit ?! Pourquoi ses amis ne comprenaient pas qu’il ne cherchait plus à se caser ? Lorsqu’il leur avait dit qu’il invitait une femme sur le Nautiluus, ils étaient tous devenu silencieux, se lançant des regards appuyés avant d’annoncer qu’ils s’occupaient de tout. Il avait bien eu quelques doutes mais après avoir insisté sur le fait qu’il ne voulait rien de spécial hormis un bateau propre, il avait fini par accepter leur aide. Visiblement bien mal lui en avait prit.

Pourtant quand Shena reprit la parole, ce n’était pas pour lui annoncer qu’une soirée entre amis n’avait rien de romantique, mais plutôt pour savoir si le bateau resterait amarré pour le reste de la soirée. Tandis qu’un sourire de chasseur se dessinait sur sa bouche, il se passa le bout de la langue sous les dents dans un mouvement circulaire. Alors comme ça, elle  ne comptait voyager avec lui ? Intéressant… Que pouvait-elle bien craindre de lui ? Mais était ce lui qu’elle craignait ou plutôt de céder si elle se retrouvait seule avec lui ?

À cette idée soudaine, il reprit une expression presque sérieuse malgré son regard malicieux qui en disait long. Il se caressa le menton tandis qu’il observait le bateau. Un si beau moyen de transport, enchainé à une poutre toute la soirée… Quelle tristesse… Et tout à son inspection il fit le tour de Shena de manière à la placer entre le ponton et lui. De cette manière il suffirait de la faire reculer pour qu’elle monte dans le bateau. Et quitte à la guider directement sur la bonne voie, il vint se placer dans son dos, ne laissant que quelques centimètres entre leur deux corps de façon à ne pas la toucher mais être assez proche pour qu’elle puisse sentir sa présence sans même se retourner. Puis il pencha le visage par-dessus son épaule de manière à lui parler directement à l’oreille. Il savait pertinemment que son souffle viendrait lui chatouiller la peau et il aurait adoré voir son expression quand ce serait le cas, pourtant avant même de dire quoi que ce soit, il ferma les yeux une seconde pour inspirer son parfum puis murmura :

« Je crois que l’avenir nous le dira… »

Se retenant de la toucher, il gloussa avant de la contourner à nouveau pour passer devant elle. À chaque pas qu’il fit en direction du bateau, il donna un coup de pieds dans les bougies afin de les faire tomber sans plus de cérémonie. C’était jolie, il n’avait rien contre, en réalité, à une époque il aurait pu faire ce genre de folie pour…. Une femme. Mais plus aujourd’hui, il s’y refusait. Quand il fut à la moitié de sa traversée, il entendit Shena reprendre la parole, il se tourna alors dans sa direction pour lui offrir toute son attention. Elle semblait encore avoir besoin de précisions sur la suite de la soirée. Comme si le fait de tout savoir la rassurait un peu… Dommage, Nolan n’était pas d’humeur à tout lui dire. Premièrement, parce qu’il avait plusieurs idées quant à la suite à donner à cette soirée (et non pas forcément avec ce genre d’idée), et enfin parce que ce soir c’était lui qui lui offrait la soirée. Pourquoi ? Il n’aurait pas su le dire exactement, mais il était heureux qu’elle l’ai appelé. Qu’elle ait réellement tenu sa promesse et qu’elle lui fasse assez confiance pour le rejoindre à la marina sans même savoir ce qu’il avait prévu. Alors il avait envie de lui faire plaisir lui aussi, l’amuser en arrêtant de penser à tout. Il fit deux pas dans sa direction en plantant son regard dans le sien et lui tendit une main avec douceur.

« Pour le savoir il va falloir te décider à me suivre… »

Il ne comptait pas lui dire qu’effectivement, elle ne pourrait pas lui offrir le restaurant. Quoi qu’ils fassent, même s’ils ne quittaient pas la ville, il ne l’aurait de toute façon pas laissé payer l’addition. C’était contre ses principes. Si elle voulait lui offrir un repas, qu’elle l’invite à un pic nique, un souper d’amis chez elle ou qu’elle lui offre un cupcake au chocolat pendant son service. Il accepterait tout ce qu’elle aurait fait par elle-même. Pour le reste, il était du genre vieux jeux et il aimait l’idée de pouvoir lui offrir le restaurant. Shena travaillait dans ce genre de lieu, elle méritait d’être traitée en princesse quand elle s’y rendait en tant que cliente…

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Je retenais mon hilarité en regardant Nolan envoyer une bougie finir sa vie dans l'eau. Cette idée me rassurait. Si je n'étais pas sûre de vouloir monter avec lui sur ce bateau, je savais que, moi non plus, je ne voulais pas d'une ambiance romantique. Dîner à la bougie en regardant les reflets danser sur sa peau sans pouvoir m'empêcher de l'admirer me semblait compliquer – déjà que j'avais du mal en temps normal. Cet homme était trop beau pour mon bien, je n'avais pas besoin d'un constant rappel à ce sujet.

Je le vis commencer à me contourner, sans comprendre ce qu'il se passait. J'essayais de le suivre du regard, ce qui devint impossible une fois qu'il fut placé dans mon dos. Je sentais qu'il était proche, beaucoup trop proche. Si proche que je pouvais difficilement me retourner sans que nos visages se retrouvent coller l'un a l'autre. Aussi restais-je dos à lui, droite comme un I.
J'essayais de calmer les battements de mon cœur qui s'emballait une fois de plus, mais pour la première fois de la soirée ce n'était pas de désir mais de panique. Cette présence silencieuse dans mon dos me rappelait bien trop Richard et sa perfide manie de toujours se planter beaucoup trop près de moi. Il le faisait toujours dans des endroits déserts – comme quand j'allais chercher quelque chose en réserve – et lorsque je tournais le dos à la porte. Bloquant ainsi tous mes espoirs de pouvoir fuir facilement.
J'inspirais longuement essayant de me rappeler que ce n'était pas mon patron qui se trouvait derrière moi mais Nolan. Je n'étais pas dans une pièce exiguë ne contenant qu'une seule sortie inaccessible mais sur la marina. Je pouvais m'enfuir de tous les côtés si j'en ressentais le besoin.
Ces constats me rassurèrent aussi étais-je beaucoup plus sereine lorsque Nolan murmura à mon oreille.

Son souffle chatouilla ma peau, me faisant instinctivement remonter les épaules comme pour protéger mon cou tandis que j'enroulais un peu plus mon étole contre mes épaules.  
Je l'entendis glousser tandis qu'il me contournait à nouveau. Visiblement il aimait beaucoup jouer au chat et à la souris. Cela avait été un de mes jeux préférés à une époque aussi... Seulement je me sentais bien trop dans le rôle d'une proie ces derniers temps pour trouver cela excitant.
J'avais envie d'hurler. Même sans être là Richard réussissait à me pourrir mes soirées! Rendant angoissants des moments qui devraient juste être légers et amusants. Je savais que si je craignais autant de me retrouver sur ce bateau sans pouvoir m'échapper c'était à cause de lui.
Mais Nolan n'était pas Richard et j'étais sûre qu'il savait ce que non voulait dire. Je n'allais pas laisser mon patron gâcher cette soirée, il me gâchait suffisamment la vie en tant normal! J'allais monter sur ce bateau et advienne que pourra... Au pire du cas je n'aurais qu'à assommer Nolan et m'enfuir avec le canot de sauvetage, voilà tout.

« Pour le savoir il va falloir te décider à me suivre… »
J'attrapais la main qu'il me tendait, forte de ma nouvelle résolution et le suivit sur le ponton. Je m'emparais d'une bougie avant qu'il ne la fasse tomber à l'eau.
« Bien je te suis, mais j'espère pour toi qu'on se dirige vers un restaurant. Je tiens vraiment à t'inviter! Alors ne m’oblige pas à devoir te proposer un second rendez vous pour lequel je déciderais de tout. » J'avais besoin de le remercier. Il avait été présent pour moi quand j'en avais eu réellement besoin, se contentant de m'offrir tout le soutien possible sans rien me demander en retour, même pas une explication. J'avais le sentiment de lui être grandement redevable. Le restaurant me semblait être un bon moyen de lui montrer ma gratitude.

Je contemplais quelques instants la flamme de la bougie avant de souffler dessus.
« Tu sais que tu peux les éteindre plutôt que de polluer la mer de déchets dont elle se passerait bien? En plus elles peuvent encore servir. Quand tu voudras vraiment organiser une soirée romantique par exemple. » J'attendais quelques secondes avant d'ajouter taquine «  Ou pour faire brûler ton ami qui prend la liberté de créer une ambiance que tu n’as pas demandé. » Ce n'était qu'une supposition, mais je voyais mal qui d'autre qu'un ami pourrait être au courant de notre rendez vous, du lieu où il se produirait et prendrait cette décision.

Enserrant sa main avec douceur, Nolan l’attira vers lui. Il était heureux qu’elle ai décidé de le suivre malgré tout le mystère qu’il mettait dans la soirée. Il avait bien compris que Shena était méfiante, la raison, il l’ignorait. Était ce dû à un passé difficile ou à sa nature propre ? Comment le savoir, elle était probablement aussi secrète que lui.

Dans un éclat de rire, il posa les pieds sur le pont du bateau. Il n’avait pas imaginé que Shena ressentait un tel besoin de le remercier. Il n’avait pas fait la moitié de ce qu’il aurait voulu ce fameux soir. Lorsqu’il fermait les yeux, il pouvait encore la voir. Bouleversée, le regard hanté, il l’avait vue sortir du magasin comme un diable sortant d’une boite. Pour un peu il ne l’aurait pas reconnue ! Pourtant lorsqu’elle s’était encourue parmi les voitures, sans même prendre garde à la route, le cœur du jeune homme s’était serré d’angoisse. Incapable de réfléchir de manière cohérente, il l’avait alors poursuivie. Elle courait vite, mais Nolan faisait de la course à pieds lorsqu’il avait besoin de se détendre alors rattraper cette gazelle dans l’état de nerf où il était, se fit en quelques courtes minutes. Il lui avait attrapé l’épaule pour la faire se retourner, tout en lui appliquant un mouvement qui la ramena sur le trottoir. Il aurait bien pu l’enlacer ou la tourner sous tous les angles pour s’assurer qu’elle n’avait rien pourtant son regard l’avait arrêté net. Nolan s’était senti foudroyé, comme transpercé par ce regard inconnu. Ce n’était pas la gentille serveuse avec qui il flirtait chaque jour à cet instant précis. Non, cette femme, face à lui, c’était une amazone. Le genre de femme qu’il ne fallait pas toucher si on ne voulait pas se retrouver émasculé.
Pourtant si son regard était meurtrier, il pu rapidement remarquer qu’elle était aussi pâle que la lune et que tout son corps tremblait.  Elle était en état de choc. Qui avait bien pu la mettre dans cet état et comment ?

Un élan de fureur s’insinua dans le sang du facteur inondant tout son corps d’une colère assassine. Pas elle. Il avait eu le temps de l’observer et de toutes les femmes, elle était la seule à lui sembler sincère. Si quelqu’un lui faisait du mal, il ne donnait pas cher de la peau de son agresseur. Il était prêt à en découdre si Shena le lui demandait !
Mais le regard qu’elle posait sur lui se voilà très rapidement et alors que les larmes lui montait aux yeux, sa propre rage s’évanouit. Elle n’avait pas besoin qu’il parte en guerre à ce moment précis. Non, elle avait juste besoin de quelqu’un de bienveillant. Il connaissait cet état et savait exactement ce dont il aurait eu besoin si quelqu’un l’avait trouvé. Alors sans plus réfléchir, il l’avait attiré contre lui en posant une main dan sa nuque. Comme un grand frère l’aurait fait, il l’avait laissée pleurer tout en lui posant une main sur le haut de la tête dans un geste de réconfort. Il n’avait pas osé en faire plus de peur qu’elle imagine qu’il cherche à profiter de la situation.

Encore à ce moment précis, il se souvenait des soubresauts du corps de Shena tandis qu’elle pleurait tout son soul. Il se souvenait de la sensation qui l’avait envahie tandis qu’il posait la joue dans ses cheveux et qu’il s’imprégnait de son parfum dans le silence à peine troublé par ses sanglots. Malgré la tristesse de la jeune femme et la colère qui vibrait toujours en lui, il s’était senti à sa place. Un peu comme ce soir tandis qu’elle lui tenait encore la main. Il baissa les yeux sur leurs deux mains et sentit un frisson lui parcourir l’échine au moment où il la relâchait. Nerveux, il étouffa cette impression qu’il ne voulait pas comprendre en se grattant la barbe avec un sourire qui se voulait malicieux.

« Avant de parler de deuxième rendez-vous, il va falloir que tu survive au premier ! »

Il avait besoin de la taquiner pour effacer les dernières traces de ce frisson dérangeant. Il ne tomberait pas dans le piège une seconde fois, il se l’était promis. D’ailleurs, tant que c’était lui qui gérait la soirée, il n’y aurait pas de dérapage.

Enfin, c’était sans compter sur Shena qui visiblement elle aussi aimait taquiner les gens. Lui qui avait commencé à avancer pour se rendre sur l’avant du pont, s’arrêta net. Crispé, il ouvrit la bouche avant de la refermer sans avoir sorti le moindre son. Il ne s’était pas imaginé qu’elle ai si bien saisi la situation. Et non seulement elle lui reprochait carrément de polluer la mer mais en plus elle lui faisait comprendre qu’il avait été redoutablement transparent sous ses yeux. Vous vous souvenez quand vous étiez petits et que debout au milieu de la classe vous vous retrouviez la cible des moqueries de vos camarades ? Ou même lorsque l’institutrice lisait votre devoir en insistant lourdement sur toutes les bêtises que vous aviez osé noter ? Cet intense moment de solitude alors que vous vous sentez mis à nu ?  Et bien à ce moment précis, Nolan n’en menait pas plus large. Et autant dire qu’il n’aimait pas ça.

« Connaissant mes amis, ils auront préparé assez de bougies pour le jour où je te demanderai en mariage ! »

Et voilà, le résultat ne s’était pas fait attendre. Fallait-il toujours qu’il parle sans réfléchir ? Il avait voulu la provoquer, voir l’impact de ces paroles sur la jeune femme. Après tout, il était encore temps de fuir si elle n’était pas prête à supporter un emmerdeur comme lui.

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Je suivis Nolan sur le bateau tout écoutant son rire, satisfaite de ma décision qui semblait lui faire plaisir. Je n'avais pas souvenir de l'avoir entendu rire aussi souvent. Nolan avait souvent un petit côté triste qui transparaissait quand il pensait que personne ne le regardait. Combien de fois au restaurant j'avais posé les yeux sur lui et du retenir mon envie d'aller lui faire un câlin en découvrant son expression? Je devais aussi admettre que je surveillais toujours plus sa table que celles de mes autres clients, peut être était-ce pour ça que j'arrivais à voir ces moments qui passaient toujours vite.

Ce ne fut que lorsqu'il lâcha ma main que je me rendis compte que j'avais laissée ma paume dans la sienne si longtemps. Cela m'avait paru si naturel que j'aurais pu la laisser là encore très longtemps.
Ça m'ennuyait d'avoir été si à l'aise avec le fait qu'il me tienne la main. J'aurais préférée trouver inconfortable cette position. Ou bien être répugnée par ses mains moites ou n'importe quelle autre raison. Il semblait qu'à par collectionner les filles et n'en faire qu'à sa tête le postier n'ai aucun défaut et cela m'agaçait.
Je le dévisageais quelques instants, essayant en vain de lui trouver d’autres points négatifs. Le voir se frotter la barbe me rappela la sensation de celle-ci sur mes lèvres. Oui, bon, le dévisager mauvaise idée…

« Avant de parler de deuxième rendez-vous, il va falloir que tu survive au premier ! »
Je lui décochais mon plus beau sourire avant de répondre. « Pourquoi tu compte me torturer ? Tout faire pour me passer l’envie de te proposer un autre rendez vous entre amis ? » Demandais-je en lui adressant un clin d’œil.

Je me dirigeais vers les bougies avant d’en souffler une première et de reprocher à Nolan de polluer la mer. Je ne prêta pas trop attention à lui, me dirigeant vers la seconde que je soufflais, et ainsi de suite quatre fois encore.
Il était dommage de les voir s’éteindre, leur reflet sur la mer donnait une atmosphère paisible. Seulement voilà, nous refusions tous les deux de nous retrouver dans une ambiance romantique. Elles serviraient pour une autre fois où les deux participants seraient d’accords.

« Connaissant mes amis, ils auront préparé assez de bougies pour le jour où je te demanderai en mariage ! »
Pardon, j’avais bien entendu ce que j’avais entendu ? Je me demandais bien ce qui lui était passé par la tête pour qu’il me sorte une phrase pareille.
Je m’adossais contre la rambarde de la vedette avant de répondre.
« Pitié, une demande en mariage avec des bougies ? Et pourquoi pas un orchestre tant que tu y es ? » Ajoutais-je en grimaçant. « J’espère que le jour où quelqu’un me demandera en mariage la demande sera personnelle et non digne d’un roman à l’eau de rose. À la limite quelque chose de très original si on veut marquer le coup. »

Si j’aimais les comédies romantique, je ne m’attendais absolument pas à ce que m’a vit en soit une. Je préférais avoir de petites preuves d’amour régulièrement que des grandes déclarations une fois de temps en temps.
Pour moi l’amour ressemblait plus à un jardin que l’on cultivait petit à petit qu’à une tornade qui dévastait tout sur son passage. Peut être que je me trompais.
« En tout cas tu peux dire à tes amis de regarder moins de comédies romantiques. La vie est tout sauf un conte de fée étincelant. » J’étais peut être un peu trop cynique, mais je n’avais jusque là eu aucune preuve du contraire.

Au clin d’œil de la jeune femme, Nolan entrouvrit la bouche sous le coup de la surprise. Ce n’était pas la première fois qu’il la voyait faire ni même qu’il en était le destinataire. Mais ajouter à cela le fait qu’elle l’ai percé à jour… Cette tactique, il la connaissait bien, il l’utilisait à chaque fois. Il sortait avec une femme une fois et durant cette seule fois, il lui faisait comprendre qu’il n’y aurait pas de suite. De là, soit la femme acceptait cet état de fatalité et profitait avec lui du moment présent. Soit, la femme s’énervait et s’en allait le laissant en plan, ce qui jusque là était plutôt rare. Et plus rare encore, la femme parvenait à lui être assez agréable pour qu’il envisage de la revoir…
Les habitudes avaient la vie dure ce soir ! Et si Nolan pouvait admettre qu’il avait ce genre de comportement avec les femmes, il n’aurait du avoir aucune raison d’agir de cette manière en compagnie de Shena. Premièrement parce qu’il s’agissait d’une soirée entre amis et enfin… non. Rien. Il ne pouvait pas penser à ça.

Avec un charmant sourire, il haussa les épaules comme un gamin prit sur le fait. Il n’avait pas l’envie de la torturer, juste la taquiner un peu. Du coup, plutôt que de répondre, il espérait que son attitude de gamin détournerait un peu l’attention de la jeune femme.
Ce fut sa dernière remarque stupide qui sembla avoir le plus d’effet sur la jeune femme. Pas étonnant, il venait presque lui annoncer qu’il la demanderait en mariage. Surtout qu’il l’avait fait peu de temps après lui avoir presque fait comprendre qu’il ne s’attendait pas à avoir un deuxième rendez vous avec elle.

« Je crois que demandé par la bonne personne et de la bonne façon… Même les bougies pourraient te plaire… » Pour le coup, il ne s’était montré ni ironique ni même moqueur. Il était sincère et ne s’en cachait même pas. D’ailleurs pour lui, la manière de le demander importait peu, c’était les sentiments qu’on y mettait qui rendait le moment magique. Bon, le mieux était quand même d’éviter le fast-food le plus proche pour cacher la bague dans les frites. À moins d’être la famille Mcdonald et encore ! Oui, on pouvait dire que l’homme qu’il  avait été autrefois croyait aux bêtises de grand amour et d’âme sœur. Dommage que ce même homme ait été brisé dans sa confiance et la part la plus tendre de son cœur. « Et puis, je ne vais pas empêcher mes amis de rêver… S’ils pensent que les fins heureuses existent, pourquoi je leur dirais le contraire ? » Bien sûr, il n’y croyait plus non plus. Et effectivement, croire en le père noël ne rendait pas le gros bonhomme rouge plus vivant pour autant. Mais si on laissait les enfants y croire, c’était bien parce que ça leur apportait un peu de bonheur et de magie. Ce dont bien des adultes manquaient cruellement !

Nolan se contenta d’une moue tendre en direction de la jeune femme mais n’en ajouta pas plus. Il en avait dit bien assez sur ce point. Il descendit alors les trois marches qui menaient directement à la cabine et sortit les clés de sa poche pour ouvrir la porte. Avant de laisser entrer Shena, il passa la tête à l’intérieur pour vérifier qu’il pouvait la laisser entrer. Bon, ses amis n’avaient rien fait ici. Il pouvait donc la laisser entrer. S’écartant légèrement pour la laisser passer, il fit une petite révérence.

« Après vous Milady ! »

Passant une main à l’intérieur sans bouger, il actionna l’interrupteur afin qu’elle y voit claire. La pièce quoi que petite était agencée de manière à ce qu’ils puissent se sentir à l’aise. À droite de l’entrée, une table carrée était entourée d’une banquette en forme de u était illuminée par une petite lampe qui donnait une atmosphère cosy tandis que sur la gauche s’étendait l’espace cuisine. Et si on traersait les quelques mètres qui séparait la porte d’entrée de celle du fond, on découvrait derrière, une salle de bain et une toilette. Bref, il s’agissait d’un mini appartement.

« Bienvenue sur le Nautiluus… » Il sourit et posa son sac sur la tablette de cuisine avant d’ouvrir une fenêtre. Même si les lieux sentaient le bois et la cire, il préférait quand même aéré l’espace. Pas tant pour lui mais plutôt pour que la jeune femme se sente à l’aise. « Installe-toi… Je peux t’offrir à boire, chère amie ? » À ces derniers mots, un sourire taquin se dessina sur ses lèvres. Oui, c’était une soirée entre amis mais étrangement, il ne parvenait pas à la voir comme tel…

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Je ne comprenais pas pourquoi Nolan avait lâché cette bombe. Etait-ce pour me taquiner ou pour me voir partir en courant ? Finalement peut être que ma décision de monter sur ce bateau ne le réjouissait pas. Peut être qu’il voulait tout simplement que je m’en aille. J’étais vraiment perdu en tout cas. Surtout qu’il était clair que cet homme ne voulait pas s’engager non ? Sinon pourquoi collectionner les femmes. Quant à moi, je ne voulais pas m’engager avec lui. Bon si j’étais tout à fait honnête je devais admettre qu’une petite part de moi n’était pas contre cette idée, mais je refusais de me voir briser le cœur. Ma vie actuelle était bien assez pénible comme ça. J’avais parfois déjà du mal à affronter un nouveau jour. Il était dur de ne pas savoir comment Richard allait se comporter, pour l’instant il était encore assez mal à l’aise rapport à la dernière fois. Ça n’empêchait pas l’angoisse d’arriver, je savais qu’il allait recommencer à un moment ou l’autre. J’espérais juste pouvoir m’en sortir à nouveau. Le niveau de harcèlement qu’il me faisait subir avait augmenté petit à petit mais n’était jamais retombé, aussi j’étais persuadée que l’évènement se reproduirait un moment ou l’autre. Avec un peu de chance Richard se contenterait de son comportement habituel pendant encore quelque temps, d’après mes calculs je n’avais plus que six mois à tenir. Six mois, ce chiffre paraissait si petit et si long à la fois… Six mois à dépenser encore le moins possible. C’est pour ça que je sortais si peu.

J’attrapais une bougie pour la souffler mais me perdait dans la contemplation de sa flamme vacillante. Parfois je me sentais comme cette bougie, il suffisait qu’on me souffle un peu trop fort dessus pour que je m’éteigne. La voix de Nolan me tira hors de ma contemplation.
« Je crois que demandé par la bonne personne et de la bonne façon… Même les bougies pourraient te plaire… » Peut être, mais je n’avais pas encore rencontrée cette personne. J’aimais les bougies, ce n’était pas le problème. Je  voulais juste une demande une demande personnelle et non une vue et revue dans les films. Le plus important restait quand même pour moi que celle-ci soit intime. Une demande en publique, rien de mieux pour sentir qu’on vous force la main.
« Et puis, je ne vais pas empêcher mes amis de rêver… S’ils pensent que les fins heureuses existent, pourquoi je leur dirais le contraire ? » J’haussais les épaules un instant avant de répondre.  « Peut être pour éviter qu’ils ne soient déçus ? Je préfère toujours m’attendre au pire, au moins si un peu de bon se produit ça donne une bonne surprise… » Je soufflais sur la bougie avant de la reposer.

J’inspirais un grand coup avant de descendre dans la cave. J’avais décidé de venir et j’allais m’y tenir. Il était trop tard pour faire demi tour maintenant, il ne serait pas dit que j’étais lâche. Je mordillais ma lèvre nerveusement tout en descendant les marches.
L’emploi du surnom et la révérence ne parvint même pas à me tirer un sourire, j’étais trop nerveuse pour ça.

Je regardais l’intérieur du bateau tout en avançant. Je n’étais jamais rentrée à l’intérieur d’une vedette, c’était plutôt bien agencé. Petit mais mignon, j’aimais plutôt le rendu que donnait tout ce bois. Je me demandais si quand même ce n’était pas un peu dangereux, un coup de bougie mal éteinte et un bateau en flamme, un. Et pas celui qu’on sacrifiait chaque année, non.

« Bienvenue sur le Nautiluus… » Mon regard se posa à nouveau sur Nolan.
« Merci, c’est plutôt mignon comme endroit. Ça appartient à un de tes amis ? » Demandais-je avant de tourner sur moi même pour mieux observer mon environnement.
« Installe-toi… Je peux t’offrir à boire, chère amie ? » J’ignorais son sourire ironique, faisant mine de ne rien remarquer. « Avec plaisir très cher, qu’est ce que tu as à boire ? » Le questionnais-je en prenant place sur la banquette.

Pour la première fois, Nolan prit conscience que quelque chose de sombre et de triste était tapi en la jeune femme. Il avait bien remarqué qu’elle ne souriait pas beaucoup au restaurant. Enfin, hormis lorsqu’elle était en contact avec les clients. Il l’avait déjà remarqué plusieurs fois alors qu’il passait devant le magasin en vélo. Si elle était inoccupée ou qu’il n’y avait personne d’autre que son patron dans le restaurant, elle était totalement différente. Fermée, tendue et loin de l’image de la gentille serveuse qu’il connaissait. Plusieurs fois déjà il était entré pour commander un simple café et rester là jusqu’à la voir sourire et se détendre. Aujourd’hui, il prenait conscience qu’elle se cachait sous un masque. Sa philosophie de vie en disait long sur son vécu. Après tout, qui passait son temps à s’attendre au pire dans la vie ? Certes tout le monde tombait un jour au plus bas mais c’était comme pour tout, un simple passage. Nolan était plutôt d’avis que comme pour les moments joyeux, pour lesquels il fallait prendre le temps de savourer, les moments  plus durs finissaient toujours par passer…

« Je préfère croire que le pire est derrière moi… » Avec douceur, il lui sourit. Il avait l’impression de passer son temps à la contredire pourtant, il ne parvenait pas à s’en empêcher. Elle réveillait chez lui les passions d’un homme prêt à débattre pour défendre son point de vue. C’était stimulant pour lui-même si rien ne lui assurait que son amie apprécie.

Ouvrant le petit frigo, Nolan sortit des bouteilles de jus de fruit. Il les posa sur la table face à Shena et lui sourit joyeusement. Ce bateau était à lui autant qu’à ses amis, le nom en était d’ailleurs témoin. Nautiluus, un hommage à Jules vernes bien évidemment, mais aussi un assemblage des prénoms des propriétaires. Nolan, Thibaut, Lucas et Sélène. Un quatuor à qui la vie n’avait pas fait de cadeaux et qui pourtant profitait de chaque secondes pour s’amuser comme des gamins. D’ailleurs, depuis la formation de leur petit groupe, d’autres personnes les avaient rejoints pour former une petite famille soudée.

« Il est en partie à moi… D’après mes amis, j’ai droit à la partie sanitaire… Ils aiment l’idée que je sois une sorte de madame pipi, au masculin… » A ces derniers mots, il ne put se retenir de lever les yeux au ciel sans être capable de cacher à quel point il les aimait. Même s’ils le chambraient et lui préparaient une allée de bougies sans son accord, ils étaient les personnes en qui il avait le plus confiance.
Et en parlant de confiance, il pouvait se féliciter de les avoir appelés. Il y avait dans le frigo et les armoires, tout ce dont il aurait besoin pour la suite. Même des glaçons ! Parfait, le tout était maintenant de décider de quand il annoncerait à Shena qu’il ne comptait pas la laisser lui offrir un restau…

« Pour réponde à ta question, je fais d’excellent cocktails… » Posant deux verre à côté des boites de jus, il prit ensuite différentes bouteilles d’alcool qu’il laissa sur la tablette de cuisine. « Tu peux même vérifier les doses utilisées et me demander de boire à ton verre pour être certaine que n’y ai rien versé de suspect… » Cette fois il s’appuya à la table en la fixant bien droit dans les yeux. Il savait pertinemment que jamais elle ne lui aurait posé la question, peut-être n’y aurait-elle-même jamais pensé. Mais quitte à ce qu’ils passent la soirée ensemble, il préférait ne lui laisser aucun doute possible. «  Je peux te faire un sex on the beach, une tequila sunrise, un cuba libre, un blue lagoon ou même un traditionnel Mojito… » Il les avait énuméré en les comptant sur ses doigts, réfléchissant aux ingrédients qu’il avait en sa possession.

Il attendait sa réponse mais savait déjà ce que lui prendrait. Un cocktail qu’il avait inventé, qui rassemblait plusieurs alcool différents. Du coup, il pouvait déjà préparer le shaker. Il verrait s’il l’utiliserait seulement pour lui ou pour Shena aussi. «  Par contre, je suis un barman qu’on paie avec des informations… »  Elle voulait un repas entre amis ? Bien, mais pour cela, Nolan devait pouvoir lui faire confiance. Et ça passait par le fait de pouvoir dire qu’il la connaissait ne serait ce qu’un peu. « Alors si tu me parlais un peu de ta famille ? » Autant commencer par le début non ?

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Au regard que me lança Nolan, je sus que je venais de trop en dire sur moi. Il avait l'air de me voir sous un jour nouveau, j'espérais juste que celui-ci n'était pas trop mauvais. Pourtant il me semblait ne rien avoir dit de particulier. J'avais toujours cette philosophie, elle n'avait rien d'extraordinaire. À moins que je l’aie adoptée il y a trois ans. J'avais du mal a distinguer précisément le moment où tu avais basculer dans ma vie. Le comportement de Richard s'était modifié petit à petit, sans que je ne m'en rende réellement compte. Aussi avais-je changer à mon tour, petit à petit, sans réellement savoir quelle partie de moi appartenait à la serveuse que son patron harcelait. Peut-être que si j'avais parlé à quelqu'un dès le début du fait que je trouvais que mon patron flirtait parfois un peu trop avec moi tout aurait été différent aujourd'hui. Une chose était sûre maintenant que j'étais enfermée dans mon silence il m'était impossible d'en sortir. Je n'avais pas très envie que les gens apprennent que je n'étais qu'une pauvre fille incapable de faire cesser les harcèlements de son patron. D'un autre côté j'espérais n'être que ça, ne jamais devenir la pauvre fille que son patron abuse...

« Je préfère croire que le pire est derrière moi… » Me déclara Nolan en souriant. Je lui rendis son sourire avant de prendre la parole à mon tour.
« C'est tout le mal que je te souhaite! » Lançais-je doucement. J'étais sincère, je voyais bien que Nolan en avait bavé. Si je regroupais ce que je savais de lui et ce que son frère me disait parfois je pouvais presque en deviner la raison. Toutefois je préférais m'abstenir de me lancer dans des hypothèses, Nolan m'en parlerait si jamais il le voulait.
Quant à moi, j'étais à peu près sûre que le pire restait à venir.

Je regardais avec déception les jus de fruits que Nolan déposait sur la table, j'aurais préféré quelque chose de plus fort. De plus alcoolisé également.
« Il est en partie à moi… D’après mes amis, j’ai droit à la partie sanitaire… Ils aiment l’idée que je sois une sorte de madame pipi, au masculin… » Je ne pus m'empêcher de rigoler. Nolan avait l'air d'avoir de très bons amis. Des amis assez proche pour qu'il partage un bien avec eux en tout cas. Et visiblement ceux-ci cherchait à le caser, sinon pourquoi avoir aussi bien décoré l'extérieur du bateau?
J'avais du mal à imaginer Nolan en dame pipi, cette vision était bien trop saugrenue pour moi. Je l'aurais plus imaginé propriétaire du lit, mais le bateau ne semblait pas en contenir. Peut être que la banquette sur laquelle j'étais assise était transformable.

« Pour réponde à ta question, je fais d’excellent cocktails… » Dieu existait peut être après tout. L'alcool était pile ce dont j'avais besoin pour chasser mes noires pensées. D'ailleurs avec les filles lorsque nous trouvions que rien n'allait correctement dans notre vie, nous déclarons que leur est venu de nous faire une soirée entre filles avec de l'alcool. La soirée que Poppy avait organisée la semaine dernière m'avait fait le plus grand bien.
« Tu peux même vérifier les doses utilisées et me demander de boire à ton verre pour être certaine que n’y ai rien versé de suspect… » Je levais les yeux au ciel en secouant légèrement de la tête en entendant ça. L'idée ne m'avait même pas traversée l'esprit. « Je doute que le séducteur de ces dames ai besoin d'une telle technique pour arriver à ses fins. Un sourire et quelques phrases doivent te suffit à les attirer dans tes filets, non? » Je ne pensais même pas qu'il essayerai de me saouler pour abuser de moi. Le Nolan que j'avais découvert la semaine dernière valait bien mieux que ça. Je lui faisais assez confiance pour descendre avec lui dans la cabine de ce bateau, chose que je n'aurais fait qu'avec peu de personnes.

«  Je peux te faire un sex on the beach, une tequila sunrise, un cuba libre, un blue lagoon ou même un traditionnel Mojito… » Et bien la liste était assez complète. Je réfléchis quelques instants avant de me décider. « Je vais opter pour un sex on the beach! » Pourquoi ce cocktail avait-il un nom pareil? Surtout que nous étions sur la mer. J'avais hésité quelques instants avant de le commander, mais un ami n'y verrait aucune invitation particulière, n'est-ce pas?
Pendant que j'avais réfléchit il avait commencé à se préparer un cocktail dont je ne reconnaissais pas les ingrédients. « Qu'est ce que tu bois, toi? » Je n'osais pas lui demander de goûter ce qu'il se préparait, il fallait être trop intime avec la personne pour ça. Mais peut être que si il me faisait envie, ce serait ce que je lui demandais en seconde boisson. Si on en buvait une deuxième, évidemment...

« Par contre, je suis un barman qu’on paie avec des informations… »  Je ne pu retenir mon sourire, voilà bien un mode de paiement intéressant. « Ça me va, à condition que tu réponde toi aussi aux questions que tu me pose. » Si jamais il refusait de se prêter au jeu, alors le barman devrait mettre la clef sous la porte faute de client...
« Alors si tu me parlais un peu de ta famille ? » Un sujet facile, je pouvais facilement y répondre. Et si Nolan ne jouait pas le jeu alors cela serait ma seule et unique réponse.
Je me demandais si il était déjà au courant de la profession de mon père, nous étions une petite ville ou tout le monde se connaissait au moins de vue. Si ce n'était pas le cas alors peut être qu'il serait soulagé de n'être que mon ami. « Je suis enfant unique. Mon père est le chef de la police d'Eile Domhan. Ma mère est peintre. Mes parents ont la chance d'avoir assez d'argent pour ne faire que des métiers qu'ils aiment. » Cela aurait aussi pu être mon cas si je n'avais pas décidée que je ne devrais ma boutique qu'à moi même et non aux bons placements de mes ancêtres. « Et toi, à part le fait que tu as un frère jumeau qui me laisse de généreux pourboires, qu'est ce que tu peux m'apprendre sur ta famille? » On y était. Le moment était venu de savoir si Nolan me faisait assez confiance pour me confier des petits bouts de lui ou non. Allait-il répondre à cette question ou déclarer que c'était lui le barman et qu'il n'avait donc pas besoin de me rémunérer?

Enfin ! Nolan ne put s’empêcher de sourire en entendant Shena rire. Et pour une fois c’était avec un sujet qui le touchait particulièrement. Car même si Selène ne cessait de lui dire que les toilettes était un lieu de résidence parfait pour un homme avec un caractère de merde, le bateau entier était son refuge autant que le leur. Et si ce soir il pouvait partager cet endroit avec son invitée, il était d’autant plus heureux de la faire rire avec les débilités proposées par ses amis. Tout ça avait un sens particulier pour le jeune homme, même s’il ne le mettrait pas en lumière.

Le séducteur de ces dames ? Un gloussement lui échappa, c’était donc ça l’image qu’elle avait de lui ? Certes, il flirtait comme d’autres disait bonjour. C’était presque devenu une seconde nature par moment. Un jeu dans certaines circonstances comme avec la vieille Abigaël à qui il apportait le courrier chaque jour. La vieille veuve et lui se lançait des commentaires grivois chaque jour avant qu’elle l’invite à boire un café. Il passait alors au minimum une demi-heure avec elle à discuter de tout et de rien avant de lui annoncer qu’il retournait dans les bras de son épouse. Ce à quoi inlassablement elle répondait qu’elle attendait toujours qu’il la quitte pour elle.
Pourtant, en dehors du plaisir qu’il trouvait dans le jeu de séduction, il était rare qu’il aille plus loin. Bien sûr ça lui arrivait encore lorsque la femme était assez charmante du point de vue physique que mentale. Mais ces derniers temps, aucune ne parvenait à la cheville de Shena. Ce qui l’empêchait d’avoir envie de pousser la soirée en leur compagnie.

« Mes filets ? » Il rit en se grattant la barbe. Décidément cette soirée promettait d’être intéressante. Il allait enfin comprendre ce qu’elle pensait de lui. Et visiblement, comme tant d’autres, elle s’était laissé avoir par sa réputation. « C’est très flatteur le pourvoir que tu donne à mon sourire… » Un sourire de séducteur certes, mais un sourire capable de faire craquer les filles.  Nolan avait toujours pensé que des deux, c’était Neill le plus beau. Plus propre sur lui, plus posé, souvent mieux rasé et les cheveux toujours soigné. C’était lui le beau gosse de la portée et aussi l’intello. La fierté de la famille en somme. Nolan lui était plutôt le gars turbulent et sombre. Celui qu’on imaginait assez bien dans les bagarres de fin de soirée ou encore celui qui avait une voie toute tracée vers une fin de vie baignée dans l’alcoolisme.

Mais bref, Nolan ne croyait pas en la fatalité et quoi qu’en dise les pronostics, il était persuadé qu’il pouvait choisir son propre chemin. Et ça commençait par un sex on the beach pour son invitée et un cocktail sans nom pour lui. Dans le shaker il commença à verser des glaçons, puis la vodka. Un peu plus que la dose recommandée à laquelle il ajouta un peu de gin. Après tout à en croire les mimiques qu’elle avait eues en le voyant déballer les boissons, il était clair qu’elle n’était pas contre un peu d’alcool. Quant à lui, il était bien incapable de respecter une recette. Il avait toujours besoin de la modifier à sa manière. Il ajouta par-dessus du sirop de fraise avant de fermer le Shaker et le secouer vivement. « Moi, je vais me faire une mixture sans nom… » Il lui fit un clin d’œil amusé et reposa le shaker pour y verser le jus d’orange et se remit à secouer l’objet. « Je ne te l’ai pas proposée parce qu’il parait que seuls les palais d’hommes de Cro-Magnon peuvent apprécier… » Il rit à nouveau et servit son sex on the beach dans un verre. Dans le fond une liqueur de fraise permettait d’obtenir un dégradé de rouge vers l’orange à la boisson qu’il finit en y déposant un petit parasol rose en papier. « Tadaaaa ! » Fièrement il déposa le verre face à elle avant de rincer son matériel de serveur et de commencer sa mixture. « Si tu veux, je te ferai gouter, tu me diras si toutes les femmes ont le palais sensible ou si ma cocapitaine est juste trop fragile pour boire… »

Reprenant son travail, il hocha simplement la tête quand elle l’informa qu’elle attendrait de lui qu’il réponde aux mêmes questions. Bon il n’avait pas une vie très intéressante mais après tout, si elle voulait en savoir plus sur lui, il pouvait faire un effort.
Au moment même où elle se mit à lui parler de ses parents, il su que le jeu en vaudrait la chandelle. Il avat envie de la connaître, envie de partager son monde. Même s’il n’était qu’une étoile filante dans son ciel, il aurait au moins le plaisir d’en avoir fait partie. D’un sourire, il redressa la tête en continuant de verser le curaçao dans le shaker.

« Comment je n’ai pas fais le lien plus tôt !? » Un éclat malicieux s’était illuminé dans son regard. Le chef de la police, il le connaissait. Peu, certes mais son aura faisait de lui un personnage public en ville. « Vous avez ce même regard en rayon x ! » Il rit joyeusement, heureux de n’avoir rien à se reprocher au point de vue de la loi. Enfin, tout du moins heureux de ne s’être jamais fait prendre.
En ce qui concernait la mère de Shena, il ne la connaissait pas. Leur demeure ne faisait pas partie de sa tournée… « Si tu dis que tes parents ont la chance de faire le métier qu’ils aiment, je suppose que toi non ? » Il n’en était pas réellement surpris. Elle n’était clairement pas destinée à servir les repas toute sa vie. « Qu’est ce que tu aimerais faire ? » Mettant un point final à son verre, il le posa face à elle pour qu’elle puisse y gouter si elle le désirait. Ce soir, il y avait mis de la vodka, du caraçao, un trait de rhum, le tout arrosé de jus d’orange, une goutte de jus de pomme et un peu de jus de citron.

« Mon père est mort quand nous étions enfant… » Il ferma les bouteilles et entreprit de les ranger en lui tournant le dos. « Ma mère a tout fait pour que nous l’oublions très vite, un peu comme elle l’avait fait. » Fermant le frigo, il vint s’asseoir sur la banquette et serra les poings sous la table. « Aujourd’hui, elle est remariée et j’ai gagné un demi frère au passage. Mais je n’ai plus de contact avec eux. » Un soupire lui échappa tandis qu’il balayait leurs visages de son esprit. Les liens du sang n’étaient pas toujours très glorieux. « Aujourd’hui ma famille se compose de mes amis et bien évidemment de Neill. » Il sourit et se détendit avant d’ajouter avec amusement : « Le garçon parfait qui en plus te laisse de beaux pourboires ! » Il n’y avait là aucune animosité, ni même ironie. Juste un constat.

I saw a lion kiss a deer

Nolan avait l'air vraiment de bonne humeur. En quelques instants je pus le voir sourire avant de rire. Mon cœur quant à lui décida de s'emballer. Il était si beau quand il était détendu. Ses yeux pétillaient encore plus de malices que d'habitude, le rendant encore en plus séduisant - comme si il ne l'était pas assez en temps normal. Je mordillais ma lèvre tout en l'admirant. Essayant de faire taire la petite voix qui essayait en vain de me faire comprendre qu'elle espérait bien avoir Nolan en guise de dessert. On n'attendait pas ça d'un ami et le jeune homme semblait exceller dans ce rôle. Cela m'ennuierait fortement de céder à une pulsion subite et de risquer de perdre cette amitié naissante. Surtout qu'il me plaisait bien trop pour que je vive bien le fait qu'il m'ignore du jour au lendemain...

« C’est très flatteur le pourvoir que tu donnes à mon sourire… » J'avais parfois l'impression que Nolan ne se rendait pas réellement compte de l'effet qu'il produisait sur les femmes.
« Je ne lui accorde aucun pouvoir qu'il n'ai pas. » Répondis-je joyeusement. « N'oublie pas que je suis serveuse et en tant que serveuse j'entends beaucoup de choses... Les gens sont souvent lancés dans leur conversation quand tu viens les servir et ne s'interrompent pas. » Je fis une petite pause avant de continuer. « Bref  je te peux t'affirmer que la moitié des femmes de cette ville fondent littéralement devant ton sourire. Quant à l'autre moitié, elles sont soit très amoureuses soit n'ont aucun goût. » Ok, j'admettais appartenir à la première partie. Il fallait croire que je n'étais pas aussi unique que je l'espérais.

Est-ce qu'il avait conscience de la façon dont étaient bandés ses biceps tandis qu'il préparait les cocktails. Il n'en fallait pas beaucoup avant que je mette à baver. Je m'assénais une claque mentale, il était temps que j'arrête de me comporter comme une adolescente en fleur. J'étais une adulte qui avait assez de problème sans devoir en plus rajouter amoureuse d'un Casanova à la liste. Il était temps que mes sentiments acceptent une bonne fois pour toute qu'il ne serait rien de plus qu'un ami. Un ami dont je redoutais le moment où il faudrait le servir alors qu'il serait en compagnie d'une femme, mais un ami tout de même.

« Moi, je vais me faire une mixture sans nom… Je ne te l’ai pas proposée parce qu’il parait que seuls les palais d’hommes de Cro-Magnon peuvent apprécier… »
Il paraissait que mes goûts en matière d'alcool étaient plutôt masculins que féminins. Je devais ces curieuses préférence à mon père, il n'avait été que trop heureux de me faire découvrir ces choses qu'il aimait temps. Bien sûr j'aimais également les cocktails sucrés, surtout à l'apéritif. Mais j'appréciais aussi du bon vin, rouge de préférence. Et me régalais en guise de digestif d'un cognac ou d'un rhum vieux. Loin d'être alcoolique, je crois que je pouvais dire qu'en matière d'alcool je n'étais pas vraiment compliquée. Le fait qu'il en fallait beaucoup avant que je sois bourrée devait jouer dans la balance aussi. Aucun alcool en particulier ne m'avait rendu méchamment malade, me dégoûtant ainsi de lui.

Je poussais un sifflement d'admiration en découvrant mon cocktail. « Il a l'air délicieux, merci! » J'avais hâte de pouvoir le gouter, mais en fille bien élevée j'attendais d'abord que le sien soit prêt pour qu'on puisse trinquer. À quoi je n'en avais aucune idée, mais on pouvait trinquer sans raison particulière, non?
« Si tu veux, je te ferai gouter, tu me diras si toutes les femmes ont le palais sensible ou si ma cocapitaine est juste trop fragile pour boire… » J'hochais la tête pour lui signifier mon envie de goûter.
«  Je veux bien, oui. Mais n'en déduit pas pour autant que ton amie est trop sensible. Je suis juste plus amatrice des alcools fort que la plupart des femmes. »

Je lui parlais donc de ma famille en échange du cocktail qu'il venait de me servir.
« Comment je n’ai pas fais le lien plus tôt !? Vous avez ce même regard en rayon x ! » J'espérais ne pas avoir le même regard bourru que mon père quand même. Lorsqu'il vous regardait en étant en colère vous avez forcément envie de vous faire riquiqui.
« Je ne savais pas que j'avais un regard comme ça. Je l'ai peut être acquis en allant sur le terrain avec lui. » Dis-je en haussant les épaules. « J'ai même arrêté un criminel ou deux! » J'étais toujours aussi fière de ça alors que ça remontait à plus de dix ans. Mon père m'avait laissé l'accompagner uniquement parce que les types n’étaient pas vraiment violant, plutôt des petits escrocs qu'autre choses. Et ils avaient été ravis de se faire passer les menottes par une femme, cela n'avait rien eu de très romanesque. Cela ne m’empêchait pourtant pas de toujours trouver ça super cool.

« Si tu dis que tes parents ont la chance de faire le métier qu’ils aiment, je suppose que toi non ?  Qu’est-ce que tu aimerais faire ? »
Ok, je donnais vraiment trop d'informations sur moi, mais comme celles-ci n'était pas vraiment très importantes je pouvais les livrer sans problème.
« Effectivement, serveuse n'est pas le métier de mes rêves. Surtout avec un patron comme le mien... » Dis-je en roulant des yeux. J'avais maintenant de l'entraînement me permettant de parler de Richard comme si il n'était rien de plus que quelqu'un de pénible.  
« Je veux ouvrir une boutique de vêtements rétro. Surtout des robes, c'est ce que je préfère coudre! » Enchainais-je sans lui laisser le temps de répondre à ma phrase sur mon patron. «J'aurais pu aussi bénéficier de la fortune familiale pour l'ouvrir, mais je voulais me prouver que j'étais capable de le faire par moi-même. » Je n'avais jamais vraiment pu m'expliquer ce besoin, mais c'était comme ça. Ma vie aurait été tellement plus facile si je m'étais contentée d'accepter que mes parents me payent mon local...

Lorsque Nolan me parla de sa situation familiale, j'entendis à quel point il était tendu. En effet, celle-ci avait l'air d'être tout sauf évidente. Je ressentais le besoin de le prendre dans mes bras pour essayer de lui remonter le moral mais nous n'étions définitivement pas assez intimes pour ça. Aussi me contentais-je de murmurer un pauvre petit « Désolée ». Je n'étais même pas sûre de savoir pourquoi je m'excusais. Sûrement pour l'avoir fait parler d'un sujet aussi sensible.

« Aujourd’hui ma famille se compose de mes amis et bien évidemment de Neill. Le garçon parfait qui en plus te laisse de beaux pourboires ! » Son ton semblait déjà plus léger. Comme si l'orage qui venait de l'habiter était passé.
« Tu trouves Neill parfait? Pourtant de vous deux c'est toi qui a le plus de succès avec la gente féminine, non? »

J'attrapais enfin le cocktail qu'il avait posé en face de moi et trempait mes lèvres dedans. Il était fort et assez rafraîchissant. On était bien loin des cocktails pour fille en effet, mais cela me plaisait. « Pas mal. » Dis-je en souriant. « Il va falloir lui trouver un nom maintenant! » Je marquais une pause. « Pour l'instant je préfère la douceur d'un sex on the beach mais peut être que si on prend un deuxième cocktail alors je t'en demanderais un. » Lançais-je tout en lui adressant un clin d'œil. Je n'avais toujours aucune idée du déroulement de la soirée. Allions nous rester sur ce bateau ou bouger?

« On trinque? » Demandais-je en levant mon verre.

Nolan ne s’était pas attendu à ça. Oui, il savait que certaines femmes le trouvaient craquant. Il n’était pas aveugle, même si à ce moment précis, il lui semblait que Shena gonflait un peu les chiffres quant au nombre exact de dames séduites. A moins qu’elle ne confonde avec Neill ? C’était plus probable, il était le choix plus judicieux. Le genre d’homme au cœur brisé que les femmes voyaient torturé et qui ne demandait qu’à être sauvé. Un homme fidèle même à une femme potentiellement infidèle et à présent dans le coma. Presque le prince charmant idéal. Oui, Nolan pouvait presque l’imaginer sur son cheval blanc, affublé de bas collant et d’une petite couronne dorée ! Il se voyait plus sur un âne en train de chanter à tue tête avec pour seule arme une guitare mal accordée.

Pourtant, si elle disait vrai, Shena devait se trouver dans l’une des moitiés de femmes qu’elle décrivait. Il ne l’imaginait pas très amoureuse, après tout elle ressemblait plus à une célibataire difficilement accessible au commun des mortels. Il lui restait donc deux choix, soit elle faisait partie de celles qui fondaient pour son sourire, soit elle n’avait aucun goût. Attendez… Jamais elle ne dirait d’elle-même qu’elle n’avait aucun goût en matière d’homme ?! Venait-elle de … Non, il n’avait pas envie de se poser de question maintenant. Elle se détendait enfin et il avait réellement envie de profiter de la soirée qui leur était offerte.  Au pire, il pourrait toujours demander à Selène ce qu’elle en pensait… Ou plutôt à Pepper, elle serait plus fiable pour ce genre de choses. Après tout, la première lui dirait de se jeter sur elle et de lui poser la question ensuite. La deuxième en revanche aurait un avis plus réfléchis. Enfin, encore fallait-il qu’il ai réellement envie de savoir…

Heureusement, son job de barman lui permis aisément de ne pas avoir à répondre. Son regard perplexe devait l’avoir fait pour lui de toute façon. Galvanisé par son admiration pour le cocktail qu’il venait de lui servir, il sourit fièrement. A une époque, il avait travaillé dans un bar pour payer ses fins de mois. Il n’avait donc pas vraiment de mérite cependant, ses boissons étaient toujours toutes uniques. Faites selon son humeur du jour, la personne pour qui il la réalisait et la capacité à supporter une forte dose, ou non, d’alcool. Et puisque la jeune femme lui affirmait être une amatrice de boisson forte, le prochain serait plus adapté à ses goûts, si elle décidait d’en reprendre un. Plus corsé, plus piquant… Dans le fond, une pointe de piment de caïene conviendrait parfaitement à la demoiselle. Juste de quoi enflammer son sang et rendre ses jolies lèvres encore plus rouge sous son maquillage. Comme après un baiser passionné. Mais là, il s’éloignait du sujet.

D’ailleurs, si il ne voulait pas se faire démasquer par ce regard qu’il venait de comparer à un scanner, il ferait mieux de se concentrer sur ce qu’il faisait. Son regard flou devait déjà en dire assez long sur l’état de son esprit survolté. C’était étrange, il suffisait qu’il se permette une petite réflexion sur elle pour que son esprit se déchaine et lui envoie toutes sortes de pensées et d’images plus ou moins acceptables. Il releva les yeux au moment où elle lui annonçait ne jamais s’être rendu compte de ce qu’elle dégageait par le regard. Un petit gloussement lui échappa. Lui, il se souvenait parfaitement de la première fois où il était entré dans le restaurant. Lorsqu’il avait croisé son regard…  Vous savez ce moment où on a l’impression que le temps s’arrête ? Et bien c’était ce qu’il avait ressenti. Pas comme dans les comédies romantiques ou l’action se déroulait au ralentis. Non, c’était plus comme si il s’était transformé en un bloc de glace en fusion, deux sensations complètement contradictoire mais qui l’avait bouleversé. Son regard bleu argenté l’avait transpercé, presque fouillé et il avait alors su, qu’à elle, il ne pourrait jamais cacher qui il était vraiment. C’était comme si elle l’avait percé à jour avant même qu’il ouvre la bouche. Sensation qui tendait à se confirmer…

Perdu dans ce souvenir étrange, il avait bien failli ne pas entendre la fin de sa phrase. Arrêter des criminels ? Écarquillant les yeux, il stoppa net son geste, il senti une bouffée d’inquiétudes à cette idée avant qu’il ne se raisonne en se disant que jamais le chef de police n’aurait mis sa fille en danger…  « Waou ! J’aurais adoré te voir en action ! » Il pencha la tête, tout sourire en découvrant son regard pétillant de fierté. « Tu étais la gentille ou la méchante flic ? » Avec son père juste à côté d’elle, elle devait probablement être la moins impressionnante des deux, pourtant, il ne parvenait pas à s’enlever de la tête l’image de Shena plaquant les criminels contre le capot avant de les menotter. C’était à la fois charmant et sexy.

Pourtant, il préférait encore l’imaginer dans le magasin de ses rêves. Épanouie, elle n’en serait que plus belle car il était clair que son travail actuel lui pesait. Et son patron aussi. Dommage pour lui, il n’avait aucune chance avec elle malgré les regards dévorants qu’il lui lançait quand elle avait le dos tourné. Nolan l’avait déjà souvent surpris en train de regarder la jeune femme avec insistance, il ne doutait pas qu’elle soit tout à fait à son goût. Ce qu’il pouvait comprendre même si à chaque fois, un élan de colère était monté en lui. Une petite voix dans le fond de son crâne s’entêtait à appeler ça de la jalousie, mais il ne voyait pas de quel droit cela aurait pu être possible.

« Si ton travail actuel te déplais autant, pourquoi ne pas essayer de te faire engager au Red Apple's Mall ou même chez Undress you ? Tu serais dans un domaine plus adapté à tes talents et en plus tu serais en contact avec le monde de la gestion d’un magasin… » Bon, il n’était probablement pas la personne la mieux placée pour lui donner des conseils, surtout qu’il ne s’y connaissait pas dans le domaine. Mais il lui semblait qu’elle serait plus heureuse dans un de ces magasins…

Il fallait parfois faire des choix drastiques pour être heureux. Tout comme lui l’avait fait avec les membres de sa famille qui le tirait vers le bas. C’est pourquoi, il n’était pas mal à l’idée de ne plus les voir. Certes, il était encore empli de colère face à ce qu’il jugeait être des trahisons de leur part. Mais pour le reste, il n’en avait plus rien à faire. Leur vie l’indifférait. De ce fait, il oubliait bien souvent que les autres pouvaient avoir du mal d’entendre cette vérité toute crue sans avoir de la compassion pour lui. Certes, c’était triste comme histoire, mais avait apprit à vivre avec. En entendant Shena, il lui lança un regard empli de tendresse et secoua la tête pour lui faire comprendre qu’elle ne devait pas s’inquiéter. Ça n’en valait pas la peine.

Aujourd’hui, il menait une vie délivrée de ces boulets. Et à ce moment précis, assis dans ce bateau avec Shena, il se sentait heureux.
Nolan écarquilla les yeux de surprise avant d’éclater de rire en entendant la question de la belle rousse. Il allait vraiment devoir lui dire la vérité s’il ne voulait pas qu’elle continue à croire qu’il se tapait tout ce qui porte une mini jupe ! D’ailleurs, la seule raison pour laquelle on pouvait voir Nolan plus accompagné de femmes que Neill, c’était parce qu’il était plus dragueur que son frère. Et surtout bien moins impliqué. Son frère était fidèle à la mauvaise femme et en désirait une autre sans pour autant oser s’en approcher.

« Je suis l’amuseur des dames, pas celui à qui on offre son cœur… » Il haussa les épaules avec un sourire sans joie. « Et puis, pour être honnête, pour la gente féminine dont tu parles, généralement je ne suis de bonne compagnie qu’en publique. » Il n’ajouta pas qu’il était la pâle copie de l’homme dont rêvait toute les femmes, ce n’était pas la peine. Après tout, il avait peut-être le physique mais son frère l’avait aussi. La seule différence c’était que lui, il avait aussi l’esprit et la situation. Il était le lot de consolation pour toutes celle qui avaient compris que le cœur de son frère était inaccessible. Mais peu importe, en ce moment, c’était avec lui que Shena se trouvait et il ne l’avait jamais entendue soupirer en rêvant à Neill. Il pouvait donc juste profiter sans avoir à se demander si elle n’essayait pas d’approcher son jumeau grâce à lui. De plus, elle aimait son cocktail, ce qui le fit se redresser fièrement sur son siège. Pour une chose qu’il savait bien faire ! Il leva alors son verre et planta son regard dans le sien. « Je trinque à ton rêve, j’espère bientôt voir ta marque portée à chaque coins de rues… » Rabaissant légèrement son verre, il fit une petite moue curieuse. « Tiens au fait, tu as déjà choisis le nom de tes créations ? » Puis il redressa à nouveau son verre et ajouta joyeusement : « Et je trinque à cette belle soirée que tu m’offres ! » Puisse-t-elle être pleine de surprises et d’amitié…

I saw a lion kiss a deer

Parler de mes parents avait toujours pour effet de me rendre heureuse. J'avais réellement beaucoup de chance à ce sujet, ma famille n'était pas loin d'être parfaite. J'étais aimée, choyée et le seul problème que je rencontrais avec mes parents étaient qu'ils me gâtaient bien trop. Je crois pouvoir dire que rare était ceux qui se trouvaient dans ma position, j'avais conscience d'être une privilégiée. Surtout que mes parents, même après 30 ans de mariage avait toujours l'air d'être amoureux comme au premier jour, de quoi laisser n'importe qui songeur. Voilà pourquoi même si adolescente j'avais beaucoup papillonné - comme tout le monde, il me semble - j'avais vite voulu plus. Avant de me rendre compte que ça allait être une mission compliquée voir difficile. Il n'y a pas de princes charmants derrière tout les crapauds. J'avais entendu cette phrase une fois, elle m'avait ouvert les yeux. J'étais sortie avec bien trop de crapauds comme ça! C'est pourquoi le célibat ne me pesait pas trop. Enfin sauf quand je passais la soirée avec une gravure de mode débordant de sex appeal.

« Waou ! J’aurais adoré te voir en action ! Tu étais la gentille ou la méchante flic ? »
A bien y réfléchir cela remontait en fait à huit ans. Bravo Shena, les maths et toi ce n’est pas vraiment ton fort quand Nolan est dans les parages... J'avais l'impression d'être retournée au lycée. Nolan serait la star du lycée dont le moindre sourire m'aurait fait perdre tout mes moyens... Retour au lycée, tu parles. Je n'avais jamais été intimidé par un homme à l'époque, aucun ne m'avait rendu aussi peu dégourdi que maintenant.
« J'avais 17 ans, alors tu penses bien que comparé à mon père j'étais tout sauf intimidante... » Déclarais-je en roulant des yeux. « Alors je me suis contentée du rôle du gentil flic dont tu as très envie qu'il te passe les menottes ! » Ce souvenir me fit rire. « Je revois encore la tête outrée de mon père, il a déclaré qu'il préférait encore mourir que de voir sa fille flirter à nouveau avec des criminels. Pourtant aucune de ses arrestations n'avait été aussi tranquille visiblement... » Je marquais une petite pause, secouant doucement la tête avant de reprendre. « Bref comme tu peux t'en douter, je ne suis jamais retournée sur le terrain. Il ne m'y avait d'ailleurs emmené avec lui seulement parce que j'avais déclaré que son métier me pourrissait la vie! Je voulais sortir avec un type qui avait beaucoup trop peur de mon père... Tu sais comment on peut être à cet âge la. » Affirmais-je en haussant les épaules.

« Si ton travail actuel te déplais autant, pourquoi ne pas essayer de te faire engager au Red Apple's Mall ou même chez Undress you ? Tu serais dans un domaine plus adapté à tes talents et en plus tu serais en contact avec le monde de la gestion d’un magasin… » Bien évidemment j'avais de nombreuses fois songé à changer de métier.
« Je l'aurais sûrement fait si une de ces boutiques recrutaient, mais ce n'est malheureusement pas le cas. En plus le salaire que j'aurais serait peut être le même mais je n'aurais plus de pourboires. Ces derniers me permettent certains mois de doubler mon salaire. » Max appelait ça l'effet joli jeune fille. Selon lui je réveillais l'instinct maternel de certains de mes clients ou alors leur envie de me mettre dans leur lit, me poussant à me donner de beaux pourboires. Bien évidemment j'avais aussi mon lot de radins habituel. Mais je commençais à les connaître et faisait bien moins d'effort avec eux qu'avec les autres.
« Ça reste assez formatif cependant. Je sais tenir une caisse, rendre la monnaie et gérer les clients mécontents. Et puis ne plus travailler avec Max va me briser le cœur. » J'adorais mon collègue, les journées se passaient beaucoup mieux quand il était là. « De toute façon je ne devrais pas tarder à avoir les fonds suffisant pour ouvrir maintenant! » Déclarais-je.

« Tu joues de la musique toi, non? » Neill m'en avait parlé une fois. « Tu compte en faire ton métier ou c'est juste un passe temps? » Demandais-je essayant d'éloigner la conversation de ma petite personne. J'en avais plus que dit assez sur moi, d'autant plus que le sujet n'était pas vraiment intéressant.
« J'aimerais bien t'entendre jouer un jour. » Lançais-je timidement. Il faisait peut être partie de ces gens qui préféraient garder leur art pour eux. Et puis je n'étais pas sûre que ce soir réellement une bonne idée. Je n'avais pas besoin de découvrir autre chose de lui qui me ferait fondre. Comme la plupart des filles, j'avais toujours eu un faible pour les musiciens.

Sa tirade sur sa famille me brisa le cœur, mais comme Nolan essaya de me faire comprendre que tout allait bien je ne m'attardais pas longtemps dessus. Préférant une fois de plus lui lancer des fleurs... Il allait vraiment falloir que je me calme à ce sujet, mais il avait réellement l'air de ne pas se rendre compte de l'attraction qu'il provoquait chez la gente féminine.
« Je suis l’amuseur des dames, pas celui à qui on offre son cœur… » Et voilà qu'il recommençait à se dévaloriser, ce qui avait le don de m'agacer. Tellement que j'ouvris la bouche pour lui demander pourquoi, si il n'était pas le genre de personne à qui on offrait son cœur je devais autant lutter pour ne pas tomber amoureuse de lui. Je réussis heureusement à me retenir juste à temps et refermait la bouche. Ce qui devait m'avoir donné l'air d'une idiote, toujours moins que si j'avais parlée cela dit...
Je me lançais dans la contemplation de mon cocktail afin d'éviter qu'il voit ne voit mon trouble.
Je n'avais pas toujours pas quitté celui-ci du regard lorsque je repris la parole. J'avais d'ailleurs plus l'impression de parler à ma boisson qu'à lui mais qu'importe... « En fait il faut que tu te vois comme un délicieux cupcake Nolan. Tu fais baver toutes les amatrices de pâtisserie, mais chaque femme se retiendra de te manger pour éviter de prendre 15 kilos... Tu donne tellement l'impression de fuir les histoires d'amour comme la peste que personne n'ose se laisser tenter. » Je tournais mon regard vers lui et lui adressais un sourire. « Et j'arrêterai là les compliments pour la soirée, sinon tu vas prendre la grosse tête. »

« Et puis, pour être honnête, pour la gente féminine dont tu parles, généralement je ne suis de bonne compagnie qu’en publique. » J'haussais les sourcils, perplexe.
« Vraiment? Si tu savais le nombre de femmes que j'ai entendu se venter d'avoir passée la nuit avec toi auprès de leurs amies, pourtant... » Je marquais une petite pause avant d'enchaîner. « J'avoue ne pas y avoir toujours cru. Il aurait fallu que tu sois particulièrement peu difficile! »

Il leva à son tour son verre. Répondant à ma demande. « Je trinque à ton rêve, j’espère bientôt voir ta marque portée à chaque coins de rues… » Je lui adressais mon plus beau sourire
« J'espère aussi! » Même si j'étais loin d'avoir cousu assez de robes pour toutes les femmes de cette ville.
« Tiens au fait, tu as déjà choisis le nom de tes créations ? »
Bonne question qu'il me posait là. « Mes modèles de robes ont toutes des noms oui, mais la marque est pour l'instant comme ton cocktail... » La robe que je portais ce soir s'appelait amour secret. En référence au décolleté en forme de cœur qu'on ne pouvait apercevoir que lorsque la personne vous tournait le dos. Si j'avais eu un peu plus de jugeote en m'habillant j'aurais définitivement choisi autre chose...

« Et je trinque à cette belle soirée que tu m’offres ! » Je lui offrais quelque chose moi ? Si l’idée de cette soirée venait en effet de moi, c’était tout ce que j’avais fait.
« Je n’offre rien du tout, c’est toi qui fais tout depuis tout à l’heure… » Et puis soudainement ça me frappa, je le fusillais du regard. « On ne va jamais aller au restaurant c’est ça ? C’est pour ça que tu essaye de me faire croire que je t’offre quelque chose ? » Mon regard s’adoucit tandis qu’un sourire taquin passe sur mes lèvres. « Tu vas me devoir un deuxième rendez vous, Nolan, et cette fois c’est moi qui organiserais tout. N’essaye même pas de me faire passer une abominable soirée pour me faire passer l’envie, tu n’y échapperas pas. »

Je cognais mon verre contre le sien avant de le porter à mes lèvres. Il était aussi beau que bon, Nolan assurait vraiment dans ce domaine.
« Délicieux » Dis-je en passant ma langue sur mes lèvres. Heureusement que mon rouge à lèvres était hyper résistant…

Shena, flirter ouvertement avec un homme en lui passant les menottes… Heureusement que son père ne l’emmenait plus faire des arrestations, sinon Nolan se serait fait un devoir de devenir un hors la loi. Il n’aurait même pas opposé de résistance pourvu que ce soit elle qui l’enferme en cellule. Quoi !? Mais à quoi il pensait là ? Son instinct de survie devait être complètement déréglé s’il imaginait possible qu’il accepte sans broncher d’être en cellule pour plaire à une femme. Non, ce n’était même pas la peine d’y penser ! Il n’était plus un gamin. Et pourtant, il ne doutait pas qu’il aurait que déjà à l’époque il aurait voulu mieux connaître cette jolie rousse. Tout comme il était fort probable, que son père ne l’aurait pas plus apprécié que les petits copains qu’elle semblait avoir eu. Déjà à l’époque, il préférait remonter le courant plutôt que de correspondre à l’image qu’on attendait de lui. Bref, le chef de la police aurait probablement cherché à l’intimider pour l’éloigner de sa fille unique.
Sa mère avait elle aussi été protectrice envers Neill et lui. Enfin, surtout avec son frère qui était plus discipliné et ne repoussait pas toujours ses marques d’attentions. Nolan, lui, l’avait très vite trouvée étouffante. De plus le jeune garçon était bien trop en colère contre elle, suite au déni de suicide de son père, pour accepter qu’elle veille sur lui. Dés lors, il s’était montré belliqueux, voir même inaccessible à cette femme. Et durant toutes ses années de jeunesse, il avait décidé de lui faire payer tout ce qu’il lui reprochait. Il savait donc très bien comment on pouvait être à l’adolescence…

C’est pourquoi il ne relança pas le sujet, généralement son passé, il préférait le garder hors d’atteinte. Seul l’oubli était la réponse acceptable à tout ce qui l’avait hanté durant toutes ces années. Non, aujourd’hui il préférait regarder l’avenir ou au moins le présent. Car oui, depuis qu’il vivait à Elie Donham, il se sentait plus libre. C’était l’occasion de faire table rase, remettre les comptes à zéro en se rapprochant de la seule personne de la famille qui l’importait.

Dans son cas, sa vie c’était ça. Dans celui de Shena, c’était clairement un combat pour réussir à vivre de son rêve sans rien devoir à personne. Preuve évidente de sa force de caractère. Oui, Nolan était impressionné. Elle aurait clairement pu profiter de sa position de fille unique dans une famille aimante pour obtenir tous le soutien dont elle avait besoin. Au lieu de ça, elle prouvait ses qualités de femme d’affaires en se faisant un nom par elle-même. Elle ne se rendait peut-être pas compte mais les clients du restaurant l’appréciaient vraiment. Certains lui seraient loyaux le jour où elle ouvrirait son propre magasin. Il en faisait d’ailleurs partie. « Et bien… Si, à un moment donné, tu as besoin d’une aide quelconque pour l’installation de ton magasin, tu pourras compter sur moi. » Il était doué de ses mains même s’il n’en faisait pas étalage. Que ce soit pour repeindre les lieux, s’occuper des installations électrique ou pour les aménagements du mobilier, il était prêt à lui offrir son aide. Après tout, il ne pourrait probablement pas faire grand-chose d’autre pour elle, à moins qu’elle ne se lance dans la création de vêtements pour hommes.

Heureusement qu’il n’était pas en train  de boire lorsqu’elle entreprit de dévider la conversation sur lui car il se serait certainement étouffé. Il ne lui avait jamais parlé de sa passion. Bien sûr il lui arrivait de jouer dans les bars mais jamais il ne l’y avait vue. Comment pouvait-elle être au courant ? Se passant la langue entre ses lèvres serrées, il essaya de se souvenir de chacun de ses « concerts », au cas où le souvenir d’une chevelure flamboyante lui reviendrait à l’esprit. Mais non, elle aimerait l’entendre jouer. Elle ne pouvait donc pas l’avoir déjà entendu…

« Je jouerais pour toi… un jour où j’aurai ma guitare… » Il était un peu perdu. Il s’était toujours cru invisible en tant que musicien mais aussi et surtout en tant qu’homme aux yeux de Shena. Il savait que comme beaucoup d’autres, elle le voyait comme un homme volage dont la liste de conquêtes ne tenait pas sur une main. Et voilà qu’à présent, il apprenait qu’elle savait plus de choses sur lui qu’il ne s’y était attendu. Se rendant compte qu’il n’avait pas répondu à sa question, il se passa une main dans la barbe pensivement. « J’aimerais pouvoir en vivre mais ma vie est ici… Il y a donc peu de chance que ça soit le cas… » A ces derniers mots, il eut un faible sourire. Il était depuis longtemps tiraillé entre son désir de vivre sa vie d’artiste et son envie d’appartenir à cette ville. Pour réussir, il devrait repartir pour les grosses villes et recommencer les auditions pour tenter de se faire connaître. Alors qu’ici, il menait une vie tranquille parmi des gens qu’il appréciait. Bon, clairement, Shena faisait partie de l’équation. Même s’il ne savait pas pourquoi, il avait envie de rester auprès d’elle, la voir réussir à devenir celle qu’elle voulait être.

Se remettant  peine de sa première découverte, il ne fut qu’un peu plus ahuris en l’entendant le comparer à un cupcake. Son regard écarquillé et ses sourcils relevés devaient parler pour lui tandis qu’il la regardait sans comprendre. Que cherchait-elle à lui faire comprendre ? Et depuis quand était il devenu si limpide à ses yeux ? Inspirant profondément, il détourna le regard et observa la mer qui s’étendait au-delà du hublot. Pourquoi était-il frustré qu’elle ai cette opinion de lui ? Elle n’avait pas tord, effectivement, il fuyait les relations à longue durée. Il refusait de laisser une femme entrer à nouveau dans sa vie au point d’être à découvert. Pourtant, il aurait tant aimé qu’elle le voit différemment, qu’elle puisse ne serait ce que… Non, il ne pouvait pas désirer ça pour elle. Il risquerait de la blesser. Croisant les bras sur son torse, il tourna les yeux vers elle et lui fit un petit sourire qu’il espérait capable de passer pour joyeux. Il n’était pas capable de trouver les mots pour répondre à ça alors autant ne rien dire..

Heureusement cette histoire de femmes qui partageaient ses nuits revint sur le tapis et permis de ne pas s’attarder sur son silence. Au contraire, il réussit même à rire en entendant ce que Shena avait déjà pu écouter au restaurant. Il y avait vraiment des femmes qui se vantaient de passer la nuit avec lui ? Après s’être fait refroidir par un refus de sa part, n’avaient-elles donc aucun amour propre pour inventer des histoires de ce genre ? « Je ne laisse pas grand monde entrer dans ma vie et je choisis toujours avec grand soin qui le fera… »  Que ce soit des amis ou des liaisons, il n’offrait jamais sa confiance au premier venu. Que du contraire.

Pourtant cette fois, même si Shena ne l’avait pas menacé de se taire s’il ne répondait pas à ses questions, il était tout à fait prêt à partager ne serait ce qu’un peu de lui. Cela faisait bien longtemps qu’il avait compris que cette femme était différente des autres et qu’il pourrait lui faire confiance. Le tout était de savoir quand sa propre peur n’y mettrait plus de freins. Elle-même lui parlait avec une telle franchise qu’il en aurait presqu’oublier où ils se trouvaient et pour quelles raisons…

« Tu veux dire que tu les nomme comme tu le ferais pour des enfants ? » Il ne se moquait pas, au contraire, il lui semblait comprendre ce qu’elle ressentait pour chacune de ses créations. N’était –elle pas comme leur mère après tout ? « Comment s’appelle celle-ci, si ce n’est pas trop indiscret ? » C’était plus fort que lui, il avait tellement envie d’en apprendre plus sur elle…

Entrouvrant les lèvres pour se défendre, il ne put que sourire en se sentant découvert.  En même temps, il avait mal choisis ses mots et de ce fait avait mis en lumière la réalité. En effet, elle ne lui offrirait pas de restaurant. « Bien sûr que si, tu m’offres beaucoup… » Reprenant une mine plus sérieuse, il se pencha vers elle la regarda longuement avant de finir par sourire et hausser les épaules. « Tu ne t’en rends juste pas compte. » Il n’en dirait pas plus, ce serait trop. Aucun des deux n’avait l’intention d’ouvrir cette porte. Nolan ne savait d’ailleurs pas exactement se qui s’y cachait. Pourtant, moins nerveux qu’il l’aurait imaginé, il fit un clin d’œil à Shena avant d’ajouter : « Bien chef, dans ce cas, j’accepte ton invitation… » Il prit une gorgée de cocktail en se laissant retomber contre le dossier de son siège et reposa son verre. Autant le dire franchement, il espérait bien avoir droit à une nouvelle soirée en sa compagnie.

I saw a lion kiss a deer

J'hochais la tête et fit un grand sourire pour remercier Nolan de me proposer son aide pour ma future boutique. La proposition me touchait réellement...
Je devais admettre que je passais une excellente soirée. Comme j'avais déjà pu le constater, Nolan n'était pas que beau il était aussi franchement intéressant. Si il n'était  qu'un bad boy sexy cela aurait été réellement plus facile pour moi... Il ne m'aurait jamais intéressée. Peut être que j'aurais fini par céder à son flirt, oui et sautée avec ravissement dans son lit. Mais cela n'aurait été que pour une nuit et je n'aurais eu aucun mal à l'oublier par la suite.
Seulement voilà le Nolan sur lequel je commençais à en savoir plus valait nettement mieux que ça. Alors il me fallait fournir des efforts pour ne pas le laisser me ravir mon cœur et ce depuis que je le connaissais. Je ne savais pas pourquoi, mais il m'avait tout de suite énormément plu... C'était d'ailleurs assez bizarre quand on savait que Neill ne m'avait jamais attiré. Il était certes charmant, loyal et fidèle - tout ce qui m'aurait fallu en somme - mais je l'avais instantanément rangé dans la catégorie ami. Jamais je ne m'étais extasiée devant sa beauté, alors que Nolan était lui avait clairement été fabriqué dans le même moule. C'était des vrais jumeaux, il n'y avait aucun doute, physiquement ils étaient si semblable... Pourtant il m'était possible de savoir lequel des jumeaux venait de franchir le seuil du restaurant en moins d'un dixième de seconde, en fonction de la façon à laquelle mon cœur s'affolait quand je posais les yeux dessus.
Physiquement ils étaient certes si semblables mais la personne derrière était totalement différente. Et ce soir, plus que jamais j'étais séduite par la personnalité de Nolan. J'avais eu tord de proposer ce rendez-vous, il commençait à m'être tout bonnement impossible de le considérer comme un simple ami. Mais la soirée était vraiment trop agréable pour que je regrette cette décision... Il allait cependant falloir que je trouve un moyen de me le chasser de la tête. Seulement comment? Sortir avec un autre homme me donnerait uniquement l'impression de me contenter d'un lot de consommation...

Un lot de consommation qui devait être bien moins charmant lorsqu'il était surpris que Nolan... Il avait l'air de ne pas comprendre comment je pouvais savoir pour sa passion. Ne venais-je pas de lui dire à plusieurs reprises que j'étais une serveuse et que les serveuses savaient plein de choses sur les gens? Avant même de l'avoir rencontré j'avais déjà beaucoup entendu parler de lui, apprenant beaucoup de choses à son sujet. Certaines fausses comme j'avais déjà pu le constater – provenant souvent de petits amis jaloux de voir leur belle baver devant un autre – et d'autre plus véridiques. Mais il était vrai que je n’avais jamais entendu des clients parler entre eux des talents musicaux de Nolan. Non je devais cette information à Neill qui s'était mis en tête que je serais une belle sœur parfaite pour lui. Aussi pour me prouver que son frère n'était pas comme le disait sa réputation il me donnait souvent quelques petits renseignements sur son jumeau. Toujours que de toutes petites choses, rien de réellement très informatif. Comme par exemple qu'ils avaient eu un chien enfant et que Nolan avait adoré s'en occuper...

« Je jouerais pour toi… un jour où j’aurai ma guitare… »
C'était donc un guitariste, cet homme pouvait-il arrêter d'être aussi parfait? Il n'aurait pas pu jouer d'un instrument bien moins glamour, comme le trombone... Bon en même temps j'imaginais très mal Nolan joué dans une fanfare, il était plus rock n'roll que ça. « Je suis impatiente que ce jour arrive alors! » Déclarais-je, même si j'avais l'impression que ce n'était pas prêt de se produire. Il avait été assez secret concernant sa musique jusque-là, sûrement voudrait-il que cela continue.
« J’aimerais pouvoir en vivre mais ma vie est ici… Il y a donc peu de chance que ça soit le cas… » Son sourire triste me donna une fois en plus envie de le prendre dans mes bras, tandis qu'une part de moi se réjouissais qu'il souhaite rester vivre ici. Eile Domhan sans Nolan me semblait être beaucoup moins intéressante... « Je vois ce que tu veux dire. Peut être qu'il est possible de faire un peu des deux. Tu pourrais composer ta maquette ici, l'envoyer aux maisons de disque et si ça marche aller en registrer ton disque et faire ta tournée avant de revenir ici pour composer l'album suivant, non? » Je n'étais pas spécialiste en musique mais il semblait que tout commençait avec une maquette... J'espérais ne pas passer pour une idiote. Et j'espérais en même temps avoir tord, je ne voulais pas qu'il quitte la ville le temps d'une tournée. Ces choses là ne duraient-elles pas aux moins une année? En même temps si c'était la seule chose qui pouvait le rendre réellement heureux alors je lui souhaitais de pouvoir réussir. Avoir des émotions aussi contradictoires commençait à me donner mal au crâne...

Nolan ne me contredit pas quant au fait qu'il ne souhaitait absolument pas d'histoire sérieuse et je ne pu m'empêcher d'être déçue. La part de midinette qui sommeillait en moi avait espéré quelque comme « J'attends juste la bonne personne pour me lancer dans une histoire d'amour » avec bien évidemment ses yeux plantés dans les miens. C'était idiot, je le savais. Je n'étais qu'une fille banale avec qui il se contentait de flirter, comme il le faisait avec beaucoup d'autres. Et puis je n'avais rien d'extraordinaire, j'étais rousse dans un pays où c'était la couleur de cheveux la plus répandue et mon métier était plus qu'ordinaire. Et en prime je me trainais un lourd boulet. Non je n'avais décidément rien qui justifiait que l'on s'intéresse à moi... Mon moral venait de brusquement chuter dans mes chaussettes, je n'étais plus si sûre de passer une bonne soirée finalement. En ce moment je n'avais envie que d'une chose très clichée. Un pot de glace devant une bonne comédie romantique... Je ne fis guère attention à ce qu'il me répondit, je n'étais plus vraiment au jeu.

« Tu veux dire que tu les nomme comme tu le ferais pour des enfants ? Comment s’appelle celle-ci, si ce n’est pas trop indiscret ? »
Parler de mes créations aurait pu me remontrer le moral si le nom de celle que je portais n’était pas aussi gênant. Toutefois je me concentrais sur ce sujet pour chasser les noires pensées. Réfléchis Shena comment elle pourrait s'appeler, amour secret, A S. Il s'attend à ce que tu les nommes comme des enfants, un vrai prénom ne devrait pas le choquer. « Elle s'appelle Asma. Son bleu presque noir rappelle la couleur de cheveux que peuvent avoir les femmes en Orient... » Oui bon, je devais avoir l'air complètement débile à donner des noms de personne à mes robes et mes explications étaient plus que bancale mais ça restais mieux que la vérité non?

« Bien sûr que si, tu m’offres beaucoup… Tu ne t’en rends juste pas compte. » Ma réponse quitta ma bouche sans même que je réfléchisse. « Ah oui et qu'est ce que je peux bien t'offrir? » Mon amitié, voilà ce qu'il allait répondre j'en étais plus que sûre. Pourquoi j'avais posée la question, je devais être assez maso et aimer souffrir après tout...
En tout cas j'avais juste quant au fait que nous n'irions pas au restaurant ce soir. D'un côté ça me rassurait, je n'avais pas envie que tout le monde puisse me voir me rendre ridicule à minauder devant lui.
« Bien chef, dans ce cas, j’accepte ton invitation… » Vu l'échec de cet invitation au restaurant –  vu que nous n'allions jamais y mettre les pieds – il allait falloir que je trouve autre chose. Peut être que je pourrais demander son avis à l'une de mes colocs... Je ne savais pas encore à laquelle en parler mais je crois que j'avais besoin de parler à quelqu'un de Nolan. Et même si Max allait sûrement me poser des questions sur cette soirée, j'avais besoin d'avoir une conversation toute féminine à ce sujet... Je savais déjà ce qu'il allait me dire de toute façon « Si il te plaît, pourquoi tu n'essaye pas quelque chose? » Comme si c'était aussi simple, comme si je ne savais pas que toute tentative ne pouvait se solder que d'une seule façon... Je n'avais pas vraiment envie d'avoir le cœur brisé.

Je me tortillais sur la banquette, mes pensées me rendant plus que mal à l'aise, renversant sans le vouloir le coussin qui se trouvait à côté de moi. Je me figeais en découvrant ce qui était caché dessous avant d'éclater de rire. « Je crois que tes amis s'attendent vraiment à ce que tu passe une bonne soirée. » Dis-je en lui montrant les préservatifs que je venais de trouver.

Il aurait très bien pu l’inviter à l’un de ses concerts, lui faire découvrir son monde de musicien, mais pour le coup il préférait plutôt jouer pour elle. Il avait envie de la regarder lorsqu’il le ferait, pouvoir observer chacune de ses réactions et essayer de deviner quelles émotions il réveillerait en elle.  C’était généralement un bon indicateur de la sensibilité d’une personne. En plus, il fallait bien admettre qu’il avait envie d’entendre l’avis de Shena. Peut-être viendrait-il avec la prochaine fois qu’ils passeraient une soirée ensemble. Il y réfléchirait…

Pour la maquette par contre c’était tout réfléchis. S’il les envoyait, il prenait le risque d’être apprécié. Ce n’était pas une certitude, il n’avait pas assez la grosse tête pour ça, mais s’il imaginait que ça fonctionne, sa vie entière serait bouleversée. Non seulement, il serait connu mais aussi reconnu dans la rue. Son passé qu’il avait pris bien soin d’enfouir serait déterré et il devrait faire face  aux regards que l’on porte sur un homme cocufié par sa fiancée avant même d’avoir approché l’église.  Ensuite reviendrait la rumeur d’homme à femmes et toutes celles qui en auraient l’envie, viendraient le salir lui mais aussi… son frère ! Après tout, ils avaient la même tête et n’importe qui pourrait les confondre ! Imaginez un peu… Non, il ne pouvait pas faire ça à Neill. Et puis de toute façon, il aimait cette ville, son anonymat et les gens qui y vivaient. Il n’avait pas besoin de plus. Certaines personnes venaient l’écouter et c’était bien suffisant. Après tout, c’était aussi pour lui qu’il jouait. « Tu as raison, c’est ce que je pourrais faire… » Il lui sourit avec douceur car même si l’idée n’était pas au programme, il appréciait qu’elle se soucie assez de lui pour vouloir le soutenir dans une éventuelle carrière de musicien. « Mais comment je ferai pour tenir un an de tournée, sans venir manger l’une des pâtisseries qu’il t’arrive de faire ? » Durant ses tournées, il l’avait vue une fois ou deux sortir de la cuisine avec des plateaux remplis de pâtisseries fraiches. Il ne savait pas si elle les faisait elle-même ou si elle ne donnait qu’un coup de main, mais quand il la voyait avec de la farine dans les cheveux ou du chocolat sur le visage, il s’arrêtait et rangeait son vélo avant d’entrer. C’était plus fort que lui…

Tout comme il ne parvenait pas se retenir de poser mille et une questions sur elle. Pour une fois qu’il l’avait pour lui tout seul, il était comme un gamin dans un magasin de bonbons. Il voulait tout savoir. Pourtant, il avait bien remarqué que Shena s’était fermée lorsqu’il avait parlé du peu de personne à qui il permettait d’entrer dans sa vie. Sans doute voulait-elle lui faire comprendre qu’il ne devait pas se comporter comme ça avec elle. Elle voulait juste un ami rien de plus. Pas la peine de lui montrer à quel point elle était différente des autres, à ses yeux… De même, s’intéresser à sa vie devait être balisé. Il se devait de rester dans les sujets qu’un ami aborderait. Mais comment savoir lesquels étaient acceptables et les autres pas ? Il naviguait à l’aveugle avec elle, c’était tellement nouveau pour lui qu’il aurait aimé avoir une boussole…

Elle l’informa pourtant que cette robe se nommait Asma. Un nom bien choisis étant donné qu’en arabe, il signifiait « sublime ». Elle ne semblait pas l’avoir choisi pour cette raison et pourtant c’était très approprié selon lui… que ce soit pour la création ou pour la créatrice d’ailleurs. « C’est un choix approprié… » Il sourit  en laissant à nouveau son regard glissé sur le vêtement. Se rendait-elle compte que cette couleur mettait en valeur la teinte sans défaut de sa peau ? Il avait presqu’envie de toucher ses bras pour vérifier si elle était aussi duce qu’il l’imaginait…

Heureusement, avant qu’il ne s’emballe et se lance à la découverte de ce qui lui était interdit, leur discussion reprit. Lui qui s’était penché dans sa direction sans même s’en rendre compte, reprit sa place en souriant innocemment. Elle voulait savoir ce qu’elle lui apportait. Mince. Il avait encore parlé trop vite. Bon, il fallait qu’il réponde sans trop en dire. Se raclant la gorge, il se passa la langue entre ses lèvres avant d’enfin se décider à prendre la parole. « Tu m’offres une soirée pendant laquelle tu es tout à moi. » Il sourit un peu plus, esperant que rien ne filtrerait à travers ses paroles. «Pour une fois, je peux te découvrir telle que tu es vraiment, sans ton masque de serveuse charmante mais coincée dans un rôle qui t’empêche de laisser cours à ta personnalité… » Cette fois il se frotta le menton, se demandant s’il devait terminer. Pourtant, il lui semblait que ce qu’il avait à dire devait être entendu. «  Et en plus, tu m’offres ta confiance puisque tu accepte de répondre à mes questions et entendre mes réponses sans aucun jugement… » Cette fois, il n’ajouterait rien de plus. Il lui semblait que ça suffisait. D’ailleurs, il était grand temps qu’il s’active pour la suite de la soirée…

Fronçant les sourcils, il lui fallu quelques secondes pour comprendre de quoi parlait Shena. Bon, les petits emballages qu’elle lui montrait ne laissaient pas place à l’imagination ou même le doute. Mais Nolan était tellement surpris de les voir que son cerveau venait de buguer. Puis il finit par lever les yeux au ciel en imaginant Selene cacher les capotes dans le fauteuil au cas où il installerait le lit. Il pouvait même l’imaginer avec son air de fille satisfaite de veiller sur son ami dans le cas où il aurait envie de se faire plaisir en compagnie de Shena. Elle allait l’entendre ! Même si dans le fond, il savait pertinemment qu’un rire joyeux lui avait déjà échappé. Ah mon dieu, qu’allait-il bien pouvoir répondre à la belle rousse ? Il avait bien des répliques graveleuses en tête mais devant ses jolis yeux il avait bien du mal d’imaginer les sortir à voix haute ! « Effectivement, ils n’ont pas l’habitude que je ramène qui que ce soit sur notre domaine… Il faut croire que Selene s’est mise en devoir de jouer les mères poules… » Il ricana à cette idée avant d’avaler la fin de son verre et de se ranger dans l’évier. Il était grand temps qu’il prépare le repas… « Enfin… on pourra se réjouir si elle ne vient pas détacher le bateau pour nous laisser dériver loin de la côte… » A sa place, c’est ce qu’il aurait fait. Il l’aurait laissée dans le bateau avec sa conquête, histoire qu’elle s’amuse et que le lendemain Pepper soit obligée d’expliquer pourquoi elle retenait un gars prisonnier dans son bateau et pourquoi elle n’avait pas les clés pour le ramener…
« Tu aimes les lasagnes ? » Il se tourna vers le frigo et sortit un plat protégé d’un cellophane. Cette fois, c’était Lucas qui l’avait préparée, il espérait qu’il n’y aurait pas de nouvelle surprise.

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Alors comme ça Nolan aimait mes pâtisseries ? D’ailleurs comment savait-il que j’en faisais ? Je n’informais jamais personne lorsque j’en faisais... Ces dernier temps ma fréquence de production avait largement augmenté. J’avais remarqué que Richard ne s’aventurait que rarement dans la cuisine où il lui était impossible de me fixer sans que le cuisiner le remarque. Et puis il pouvait difficilement me reprocher de donner un coup de main quand je n’avais rien d’autre à faire.
« Si elles te manquent tant que ça je pourrais t’en envoyer par la poste. Quoi que je ne suis pas sûre qu’on puisse faire confiance aux facteurs. Tu sais ces gens là ne sont pas toujours très soigneux. » Dis-je en lui adressant un clin d’œil.
Je ne comprenais vraiment pas pourquoi alors que j’avais à peu près autant envie de le voir partir que de me pendre je l’encourageais dans cette direction. Il allait finir par croire que je cherchais à me débarrasser de lui…

Il avait l’air d’approuver le choix du nom de ma robe ce qui m’arrangeait fortement d’un côté. Mais ça allait aussi devoir me pousser à renommer toutes les autres. J’aurais l’air de quoi moi si il rentrait dans mon magasin et voyait qu’elle s’appelait en fait Amour Secret ? Ou alors si c’était la seule robe de ma collection avec un prénom féminin. C’était fou comme j’étais douée pour me mettre dans le pétrin toute seule. Pourquoi est-ce que je lui avais dit que mes robes avaient un nom, ce n’était pas sa question. Il me demandait juste si j’avais un nom de marque. Je parlais vraiment trop en sa présence… Pourquoi est ce que je ne m’étais pas contenté de répondre par la négative ? Et pourquoi est-ce que je me prenais encore la tête dessus ? Ce qui était fait, était fait. J’allais devoir renommer toutes mes créations, voilà tout. J’avais très envie de mettre ma tête dans l’un des coussins et d’hurler. Ou alors de me cogner la tête contre les murs. Je vivais ça parfaitement bien en somme…

« Tu m’offres une soirée pendant laquelle tu es tout à moi. » Ow, je trouvais sa première réponse mignonne. Est-ce que je pouvais arrêter un instant de gagatiser devant ce mec ? Je commençais vraiment à m’insupporter… «Pour une fois, je peux te découvrir telle que tu es vraiment, sans ton masque de serveuse charmante mais coincée dans un rôle qui t’empêche de laisser cours à ta personnalité… » Je mordillais ma lèvre tout en essayant de comprendre cette réponse. Je portais un masque au boulot ? À part celui de petite fille apeurée je ne voyais pas trop lequel je pouvais avoir. Je n’avais pas conscience non plus de brider ma personnalité, mais en même temps les gens venaient au restau pour manger non ? Pas pour avoir une serveuse casse-pied qui leur parlait couture ou quoi que ce soit… « Et comment je suis sans ce masque que je n’ai pas conscience de porter? Banale à souhait, non ? » J’étais réellement perplexe pour le coup. Je n’avais pas l’impression qu’il y avait une différence entre la Shena du restaurant et la Shena de tous les jours…
«  Et en plus, tu m’offres ta confiance puisque tu accepte de répondre à mes questions et entendre mes réponses sans aucun jugement… » Je lui adressais un grand sourire avant de répondre. « Je n’ai pas le choix sinon le barman refuse de me servir. » Dis-je en désignant mon cocktail qui était presque vide. « Et puis je ne vois pas pourquoi je te jugerais. Ce n’est pas comme si tu m’avais avouée que tu étais un sérial killer sur ton temps libre. » Ajoutais-je en fronçant le nez. « Quant à ma confiance tu m’as toi même prouvé que tu étais plus que digne de l’avoir alors… » J’achevais ma phrase sur un hochement d’épaule qui voulait tout et rien dire à la fois.

Le coup des préservatifs sous le coussin m’avait complètement achevée. J’avais du mal à arrêter de rire. Je me demandais honnêtement si ses amis n’avaient pas prévus de lui casser son coup. Quelle fille aimerait tomber sur ce genre de chose en renversant un coussin ? Ou quelle fille avait envie de voir un mec sortir un préservatif de cet endroit juste avant l’acte d’ailleurs ? Ça criait beaucoup trop « J’étais persuadé que nous allions le faire ! » Non franchement ça le faisait moyen…
« Effectivement, ils n’ont pas l’habitude que je ramène qui que ce soit sur notre domaine… Il faut croire que Selene s’est mise en devoir de jouer les mères poules…  Enfin… on pourra se réjouir si elle ne vient pas détacher le bateau pour nous laisser dériver loin de la côte…» « Oh, je serais donc une rare privilégiée ? » Demandais-je. « Tiens, Sélène une des mes colocs a ça en deuxième prénom. Elle est parfois un peu lunatique mais plus qu’adorable ! » Comme toutes les filles d’ailleurs, j’aimais vraiment beaucoup mes colocs. J’avais de la chance de pouvoir partager l’appartement avec elles, elles m’étaient vraiment précieuses.
Penser à mes colocs me rappelait que Nolan en cherchait un lui aussi. J’espérais vraiment que ce ne serait pas une femme qui répondrait à son annonce, je savais que ça allait me rendre jalouse. Je croisais les doigts pour qu’il tombe sur un homme. De préférence un homosexuel qui serait fou amoureux de lui et ferait fuir toutes ses conquêtes, même si d’après Nolan il n’y en avait pas tant que ça… Oui j’étais peut être un peu mesquine dans mes souhaits mais ce n’était pas voulu.
« J’espère vraiment qu’elle ne va pas faire ça ou au moins que ce bateau à de l’essence et que tu sais le conduire. Je travaille demain et rentrer à la nage me tente moyennement. » Ok c’était quelque chose que j’avais envisagé tout à l’heure, mais j’avais aussi très rapidement écartée cette idée alors ça ne comptait pas.

« Tu aimes les lasagnes ? » Demanda-t-il en sortant un plat de son sac. C’était donc ça le bruit métallique qu’on avait entendu. Qui n’aimait pas les lasagnes ? Je n’étais pas difficile niveau nourriture. « Parce qu’en plus d’être un super barman tu cuisines ? Je vais finir par tomber amoureuse de toi si ça continue ! » Ok ça m’avait échappé tout seul. Fais comme si c’était tout à fait naturel Shena et souris. Tu fais tout le temps ce genre de réflexions à Max et il ne s’attend pas à ce que ce soit vrai.
J’espérais que mon sourire n’avait pas trop l’air forcé pendant que je me fustigeais mentalement.

Nolan haussa les épaules et secoua la tête. Elle banale ? D’où pouvait bien lui venir une idée aussi farfelue ?  « Toi banale ?  Oui, sans doute autant qu’une tigresse à paillette. » Il leva les yeux au ciel sans comprendre pourquoi ça l’énervait autant qu’elle se voit de cette manière. D’un côté elle se mettait en doute mais en plus elle mettait ses paroles en doute. Ses paroles mais aussi sa capacité à juger les gens. « Lorsque tu travaille, tu es Shena la serveuse. Une jolie fille souriante qui prend la commande des clients avec beaucoup de politesse… C’est adorable mais bien moins intéressant que la femme que j’ai sous les yeux à cet instant précis. » Il hésita à continuer, mais ne doutait pas qu’il en avait trop dit pour qu’elle laisse couler sans poser de questions… « Ce soir tu es passionnée, quand tu m’as parlé de ton rêve tes yeux brillaient littéralement. Tu es séduisante et même si tu n’as pas toujours l’air de bien savoir comment te comporter avec moi, tu laisse libre cours à ton esprit vif. » Il aurait aussi pu parler de son rire qui le faisait frissonner des pieds à la tête mais ce n’était pas la peine de l’effrayer. Bon cette fois, il espérait être assez clair pour qu’elle n’imagine pas qu’il lui envoyait une insulte là où il la complimentait.

Enfin peut-être que dans le fond ce qui l’énervait vraiment c’était qu’elle le pousse à se lancer dans la carrière de rock star. Pourquoi fallait-il qu’il parte d’ailleurs ? Elle ne savait même pas s’il était un bon musicien et pourtant, elle le voyait déjà en tournée. C’était gentil de sa part, le problème c’était qu’elle ressentait un si grand besoin de le faire partir à travers le monde. Que répondre à une telle remarque ? Il en avait eu le souffle coupé et s’était contenté d’hocher la tête en signe d’accord. Oui il ferait une maquette, il l’enverrait et ensuite… ensuite il n’aurait plus qu’à gouter les pâtisseries de chaque pays qu’il visiterait. Voilà tout.

A moins que ce soit le fait qu’elle lui dise qu’elle ne répondait à ses questions que pour avoir à boire… Il ne la croyait pas bien sûr, mais après lui avoir fait comprendre à plusieurs reprises qu’il lui faisait confiance, il croyait avoir été clair sur l’importance qu’il y attachait. Enfin peu importe… il n’allait pas lui faire une crise de nerfs comme l’aurait fait une midinette. D’ailleurs,  s’énerver pour rien n’avait aucun intérêt. Il inspira profondément et pencha la tête de côté pour observer son verre. « Qu’est ce que je peux te servir ? »  Il le lui avait demandé d’une voix douce tandis qu’il se résignait. Cette fille le faisait passer par des états dignes d’un parcours de montagne russe. C’était à se demander comment il faisait pour paraître si calme malgré tout. Allez une petite montée de colère avant d’une descente rapide alors qu’elle lui apprend qu’il a sa confiance.  Sans oublier le virage brusque tandis qu’il sourit rien qu’à l’idée de lui annoncer être un serial killer.

Attention le looping approche quand elle remarque qu’effectivement, il la traite différemment des autres. Oui, elle est privilégiée… Mais bon, il ne va pas faire marche arrière pour autant. « Oui. » Pas besoin de plus, il n’a pas envie de tomber dans le trop.

D’ailleurs, voilà le freinage brutal lorsqu’elle lui parle de Pep’s. Il en était certain. Une fille lunatique mais adorable dont le deuxième prénom est celui de sa meilleure amie… Il y avait trop de points communs. Pourtant, il se devait de vérifier… « Ah oui ? Et son premier prénom c’est quoi ? » En même temps c’était normal qu’il s’y intéresse, quand on croisait quelqu’un, on s’intéressait plus souvent à son premier prénom.

Il éclata de rire en entendant la réaction de Shena quant à ce que Selene aurait pu faire. Effectivement, avec cette robe il l’imaginait assez mal repartir à la nage. Ou alors, elle devrait la laisser à bord et repartir en sous vêtements… Mais là encore, on pourrait croire qu’il avait tout organisé ! Non pas que ça le dérange pour le coup… Heureusement pour elle, il savait conduire l’embarcation… sinon quel intérêt de posséder un bateau ? « Je te promets qu’Asma n’aura pas à se baigner ce soir… »

Toujours le sourire aux lèvres, il mit le four à chauffer et installa la lasagne à l’intérieur. Il ne faudrait pas longtemps pour qu’elle soit prête, mais ils devaient avoir encore assez de temps pour boire un verre.  
A ces mots, il gloussa et se tourna vers elle les bras croisé et s’appuya au plan de travail. « Dans ce cas, je suppose que je devrais répondre que c’est moi qui les ai cuisinées… » Il marqua une pause en se rendant compte que c’était elle qui venait de prendre l’initiative de flirter avec lui. Un rien mais juste assez pour que tout naturellement, il en fasse de même. Sans prise de tête, sans se poser de question, il réagissait instinctivement. « … mais celle-ci est de quelqu’un d’autre… » Il lui fit un clin d’œil mais n’insista pas sur le fait que c’était Lucas le chef de ce soir. Il avait beau adorer son meilleur ami, il n’allait certainement pas envoyer Shena dans ses bras.

I saw a lion kiss a deer

Ok, le cocktail de Nolan devait être vraiment trop corsé… Une tigresse à paillettes, et puis quoi encore ? Je me contentais de le dévisager sans répondre.
« Lorsque tu travaille, tu es Shena la serveuse. Une jolie fille souriante qui prend la commande des clients avec beaucoup de politesse… C’est adorable mais bien moins intéressant que la femme que j’ai sous les yeux à cet instant précis. Ce soir tu es passionnée, quand tu m’as parlé de ton rêve tes yeux brillaient littéralement. » Clairement nous ne nous n’avions pas la même vision de moi, mais je voulais bien croire que j’avais l’air passionnée lorsque je parlais de mes créations. Je rêvais de ma boutique depuis tellement longtemps déjà. Petite je fabriquais déjà des robes à mes poupées. Bon ok, ne sachant pas coudre je me servais de scotch pour pouvoir maintenir le tissus mais l’idée était là… Mes cahiers de cours eux aussi avaient été recouverts de dessins de tenues. Il n’y avait qu’en école de stylisme que j’avais vraiment pu laisser libre court à mon imagination en dessinant et cousant à longueur de journée. Certainement mes plus belles années.

« Tu es séduisante et même si tu n’as pas toujours l’air de bien savoir comment te comporter avec moi, tu laisses libre cours à ton esprit vif. »  Je savais complètement comment me comporter avec lui, comme une amie… Le problème c’était que je n’avais pas réellement envie de vouloir me contenter de ce rôle. Mais en théorie je savais parfaitement ce que je devais faire.  Et puis séduisante ? Il était sérieux en disant ça ou ne faisais que flirter comme d’habitude ? Je décidais une fois de plus de ne pas relever. Ça collait avec le comportement que je devais avoir, non ?

« Qu’est ce que je peux te servir ? » La phrase me fit sourire, les rôles étaient inversés pour une fois. « C’est marrant, d’habitude c’est plutôt moi qui te demande ça… » Je lui adressais un grand sourire, sa voix douce n’annonçait rien de bon. Mon père prenait toujours un ton sirupeux avant de m’engueuler. Il le quittait d’ailleurs assez vite puisque la plupart de nos disputes avaient l’air d’un concours à celui qui hurlerait le plus fort. Autant dire que nous étions généralement ex æquo…
Est-ce que j’avais fait quelque chose de mal ? « Un cocktail sans nom, s’il te plait. » Ma phrase n’avait été qu’un murmure timide. Je ne voyais vraiment pas ce que j’avais fait de travers. Ou alors peut être que je me prenais trop la tête et voyait des choses là où il n’y en avait pas… Oui ça devait être ça.

« Ah oui ? Et son premier prénom c’est quoi ? » Demanda-t-il au sujet de ma coloc. Je ne voyais pas trop en quoi ça pouvait bien l’intéresser mais bon… « Elle s’appelle Pepper, pourquoi ? » Décidément cet homme était un mystère complet pour moi. J’avais l’impression que certaines de ses questions étaient sans queue ni tête.

J’entendis une fois de plus résonner et cela me mit encore du baume au cœur. Je devais arrêter d’être aussi niaise et stupide en présence de cet homme. J’arrivais à m'insupporter moi même, ce qui était franchement désespérant. Oui Nolan était mignon, séduisant et intelligent, mais est-ce que je pouvais passer à autre chose bon sang ? Il devait y avoir pleins d’autres garçons avec les mêmes qualités non ? J’en connaissais quelques uns en plus… Alors pourquoi j’avais la sensation qu’aucun ne lui arrivait à la cheville ?
« Je te promets qu’Asma n’aura pas à se baigner ce soir… » Je ne pu retenir mon sourire en l’entendant appeler ma robe par son nouveau prénom. « Elle t’en es grandement redevable. Ainsi que Jean-Pierre mon téléphone qui n’a pas non plus envie d’aller tester la température de l’eau… » Ok, Jean-Pierre c’était horrible comme prénom mais c’était le seul qui venait de me passer par la tête.

« Dans ce cas, je suppose que je devrais répondre que c’est moi qui les ai cuisinées… mais celle-ci est de quelqu’un d’autre… » Me lança Nolan depuis la cuisine. « Et tu sais cuisiner ou non ? » Demandais-je d’un ton taquin. « Parce que si ce n’est pas le cas je devrais peut être contacter le Leapreachan Daily pour leur dire que le grand Nolan a finalement un défaut. » Ajoutais-je avec un clin d’œil.
« Tu remerciera pour moi le cuisinier dans ce cas ! »

Il était clair que quoi qu’il puisse dire, Shena refusait de le croire. Ce qui énervait d’autant plus le jeune homme. N’importe quelle autre femme aurait été heureuse d’entendre un homme lui dire qu’il la trouvait séduisante et passionnée. Et en plus ça venait du cœur. Pourtant, le regard perplexe et franchement hostile lui faisait clairement comprendre qu’elle n’était, mais alors pas du tout réactive à ce qu’il pouvait penser d’elle. Très bien. Son silence éloquent en disait bien assez pour elle. Si elle ne pouvait pas entendre les compliments même venant d’un ami, il n’allait certainement pas la forcer à l’écouter. Il lui avait dit tout ce qu’il avait à dire de toute façon, qu’elle en fasse ce qu’elle en voulait.
D’un haussement d’épaule, il contint de son mieux l’énervement qui était monté en lui. Il n’était pas Don Quichotte et ne se battrait pas contre du vent. Le tout était d’accepter qu’il ne pourrait jamais faire entendre la réalité à la jeune femme butée assise face à lui. D’ailleurs, il ne voyait pas pourquoi il tenait temps à lui faire comprendre à quel point il la trouvait merveilleuse… Ils avaient beau être des amis, leur vie n’était pas entrelacée. Chacun pouvait bien faire et penser ce qu’il voulait.

Tout crispé qu’il était, il n’oublia pourtant pas qu’elle n’en pouvait rien s’il s’énervait comme ça. Aussi se concentra-t-il sur le cocktail qu’elle lui avait demandé. Vu son humeur, il devrait essayer de se contrôler pour ne pas avoir la main trop lourde. Une rasade de vodka, un peu de curaçao… non quand même un peu plus… oui juste comme ça. Un rien de jus d’orange, un zeste de citron et… pourquoi pas un peu de gin ? Juste un rien, il n’était pas un grand fan de cet alcool. Sans oublier, la petite couche de rhum et puisque finalement, il l’avait corsé, il y ajouta un peu de jus de pomme. Voilà. Parfait. Il secoua le tout avec énergie avant de servir leurs deux verres.  Il s’était immergé dans sa création pour éviter de regarder la jeune femme. Tout contact visuel avant qu’il ne se soit reprit était voué à un nouveau regain de colère. Et puisqu’elle était irrationnelle, ce n’était pas la peine. Heureusement, cela faisait bien longtemps qu’il avait apprit à vivre avec sa colère. Et s’il ne désirait pas la libérer, il parvenait toujours à la refouler. Son catalyseur avait été le shaker qu’il avait secoué avec plus de force que nécessaire. Mais au moins maintenant, il était assez calme pour poursuivre la soirée. « Il est plus fort que le précédent, je pense… » Posant son verre devant Shena, il planta son regard dans le sien avec indifférence. « S’il ne te plais pas, je peux t’en faire un autre. » Il ne voulait pas être dur avec elle pourtant il venait de se montrer glacial. Bon sang pourquoi fallait-il qu’elle mette ses émotions à fleur de peau ? Avec elle tout devenait si intense que ça en faisait perdre les pédales à Nolan.

Se raclant la gorge, il fronça légèrement les sourcils en se molestant intérieurement. Shena était là pour passer une bonne soirée. Il lui suffisait de se contenter de sujets plus simple sur lesquels ils pourraient badiner sans risque. Oui, voilà ce qu’il allait faire. Et il venait de commencer en parlant de sa colocataire. Pepper. Bien, il masqua sa réaction en avalant une gorgée de cocktail. La rasade brulante qui glissa dans sa gorge le fit sourire et il soupira l’esprit apaisé. Enfin, relativement plus serein car il venait d’apprendre que sa meilleure amie, à qui il confiait tout sans aucune crainte, était aussi la colocataire de Shena. Selene savait donc très bien de qui il parlait lorsqu’il lui arrivait de raconter comment Shena l’avait impressionné pour telle raison, ou lorsqu’il prenait la jolie rousse pour exemple en parlant de filles avec qui il aimait discuter. Quel idiot… « J’étais curieux de savoir si je la connaissais… Après tout en tant que facteur, je lis plus souvent les premiers prénoms que les deuxièmes. » Pas la peine de dire à la jeune femme qu’ils parlaient de la même personne. Ça aurait été étrange d’expliquer pourquoi lui il l’appelait toujours Selene en premier. A en croire sa description, elle ignorait tout de la nature particulière de son amie.

Ce n’était pas à lui de le lui raconter et puis de toute façon, il était revenu sur des sujets plus simples. Il avait bien l’intention de s’y tenir puisque déjà la tension qui lui comprimait la nuque retombait. Un indicateur simple du degré de réceptivité de la jeune femme semblait être ses réponses. Si elel était à l’aise, elle parlait, était taquine voir blagueuse. Si par contre, il se dirigeait vers quelque chose qu’elle ne voulait pas aborder, ses réponses se faisaient plus courtes voir carrément inexistantes. Parfait. Il n’avait pas l’intention de continuer à affronter un mur de silence. Aussi préférait-il avancer à petits pats dans la direction la plus simple. « Si tu dois contacter le journal, ce ne sera pas pour ce prétexte, je cuisine depuis longtemps maintenant. » Il n’était pas un cuisinier hors pairs, mais sa nourriture était plus qu’acceptable. Il aimait jouer avec les saveurs et tester des nouvelles recettes à l’occasion. Son « truc » c’était de prendre les restes du frigo et réussir à en faire un vrai repas, agréable à manger. « Mais rassure toi, il n’y a pas de grand Nolan, il suffit de bien regarder pour voir tous les défauts… » Si elle voulait, il pourrait facilement lui faire la liste. C’était une liste bien fournies qui ferait fuir bien des gens. Et à raison !

Lui tournant le dos une nouvelle fois, il prit tout ce qui leur serait nécessaire pour le repas. Décidément, un restaurant aurait sans doute été plus simple… Mais dans ce cas, les rumeurs auraient à nouveau couru dans la ville et bien des gens aurait pensé à tord qu’elle était sa nouvelle conquête. C’était peut-être cette raison qui l’avait poussée à vouloir quitter la ville ce soir ? Pinçant les lèvres, il retint le grondement qui était monté dan sa gorge. Même s’il n’en était pas forcément satisfait, il pouvait comprendre. Qui voudrait de cette réputation ? « Bon, étant donné que je t’ai offert un nouveau verre, j’ai droit à une nouvelle question… ? » Il se tourna vers elle et l’observa un court moment avant de sourire, à nouveau calme. « Si tu devais quitter Elie Dohnam qu’est ce qui ne te manquerait absolument pas ? » C’était simple comme question non ? Du moins, il l’espérait.